Au Parc floral, les bons tuyaux des Pestacles

En ce début d’été, le ciel est bleu, la chaleur écrasante, les oies vaquent paisiblement près du plan d’eau, et les paons font la roue à deux pas des brumisateurs. Sous le grand chapiteau planté au cœur du Parc floral (12^e), appelé « la scène Delta », les places se remplissent peu à peu. On est venus en famille, avec le centre de loisirs, mais aussi entre ados. D’un coup, le silence se fait. Il est 14 h 30, le spectacle commence.

Sur scène, deux énergumènes en bleu de travail, coincés dans une étrange machine de tuyaux en PVC. Jérémie Boudsocq et Pierre Blavette, un duo de musiciens-bricoleurs adeptes de « lutherie sauvage », embarquent le public dans leur univers sonore inclassable. Dans leur spectacle Permis de reconstruire, pas de violon ni de guitare, mais des percussions de fortune, des clarinettes bricolées et des flûtes sifflantes, un instrumentarium fait main à partir de tubes de chantier.

Leur mission ? Faire sonner cette usine futuriste… et désacraliser la musique. Résultat : un show rythmé, loufoque, plein d’inventivité. Ils tombent, tapent, soufflent, chantent, chahutent. Et surtout, dans la salle, on rigole pendant cinquante minutes ! « C’est trop drôle ! » s’exclame un petit garçon, hilare après une chute bien chorégraphiée.

Le public ne reste pas passif. Avant la représentation, un mini tuyau en plastique a été distribué à chaque spectateur : quand les artistes leur donnent le feu vert, les enfants soufflent dans leur instrument et prolongent le concert de leurs propres notes hasardeuses.

Timor danse debout sur sa chaise. Karl demande à sa mère de lui fabriquer une flûte « comme celle du spectacle ». Aimé et Abel, 3 et 5 ans, et déjà des habitués des Festivals du Parc floral – c’est le troisième été qu’ils viennent avec leur papa –, battent la mesure. Même les ados s’y retrouvent : « Ce n’est pas juste pour les petits. Ce qui m’a plu, c’est la musique. Ce sont de vrais artistes », analyse Charlie, 12 ans. C’est sûr, si tous les spectacles jeune public sont de ce niveau, elle reviendra.

À la fin de la représentation – après la standing ovation ! –, un « bord plateau », c’est-à-dire un jeu de questions-réponses, est organisé afin de permettre la rencontre entre les artistes et le public. « C’est quel genre de musique que vous faites ? », demande un petit curieux. « C’est de la musique-tuyau avec des instruments bizarres, répond Pierre Blavette. Avec des influences baroques, tango… et un peu techno ! »

On discute aussi construction : diamètres, angles, essais ratés, tuyaux soudés, coupés, collés… Et contraintes techniques : « On joue d’habitude en salle noire avec une grosse scénographie lumière. Pour le Parc floral, on a fait des petits aménagements », précise Pierre.

Installée dans un écrin de verdure, entre les serres et les pelouses, la grande scène du Parc floral offre un cadre magique aux artistes. Les deux musiciens – qui ont pu aller jeter un coup d’œil à l’exposition de bonzaïs avant la représentation – se produisent dans les lieux pour la seconde fois. « On est amoureux de ce lieu. C’est intéressant de se dire que notre spectacle qui est plutôt "industriel" se joue dans un environnement aussi bucolique. »

Chaque été, les Festivals du Parc floral, qui regroupent une triple esthétique – le jazz, le classique et les Pestacles (destiné au jeune public) –, réunissent près de 60 000 spectateurs (la salle peut accueillir 1 500 personnes assises et 800 personnes debout). La programmation est exigeante, joyeuse, en lien avec les grands enjeux d’aujourd’hui.

« C’est une sortie "deux-en-un", s’enthousiasme Marie, la maman de Timor. Pour le prix de l’entrée au parc, on profite du cadre bucolique, des fleurs, des aires de jeux… avant d’aller assister à un spectacle gratuit et de qualité. Chaque année, dès qu’ils dévoilent la programmation des Pestacles, je la note sur mon agenda. »