Des collégiens rencontrent un rescapé du Bataclan : un travail de mémoire essentiel
Reportage
Mise à jour le 20/11/2025
Sommaire
À l’occasion du 13-Novembre, des collégiens de 3ᵉ rencontrent Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan. Témoignage, mémoire et vigilance face aux réseaux sociaux : un moment fort qui invite à réfléchir et à se questionner.
La salle de
projection de la cinémathèque Robert Lynen (17ᵉ) est pleine. Trois classes de
3ᵉ des collèges Alain-Fournier (11ᵉ) et Claude-Chappe (19ᵉ) assistent à une
projection-débat organisée par la Direction des affaires scolaires de la Ville de Paris, l’Académie de Paris et le futur musée-mémorial du terrorisme, dans le cadre de la commémoration du 13 novembre 2015.
Attentifs, les élèves écoutent Lancelot Arzel, responsable du pôle pédagogique du musée, leur présenter le programme de la séance. Conscients de la portée du moment, certains ont même choisi d’enfiler veste et cravate.
La première moitié du documentaire Novembre, la vie d’après, réalisé par Olivier Lemaire, est ensuite projetée. Le film restitue le quotidien de celles et ceux qui vivaient ou travaillaient à quelques mètres des lieux attaqués. Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de Life for Paris, engage ensuite la discussion.
Une parole mesurée
Avec sobriété, il partage son expérience de victime : « Ce qu’on fait après un attentat, ce
n’est pas ce qu’on a subi mais ce qu’on parvient à en faire. » Un récit puissant, dans un langage clair, empreint de retenue et de réflexion. Sans entrer dans
les détails les plus traumatiques, il raconte la panique, la foule qui le
projette au sol, la fuite en rampant jusqu’à une sortie de secours. « Je suis
rentré chez moi sans savoir pourquoi j’avais eu la chance de survivre. »
Il insiste
sur ce qui rend l’attentat si difficile à affronter pour les victimes : « Les terroristes ne nous visaient pas en tant qu'individus, ils s'en prenaient à la France et à notre manière de vivre : aller à un match de foot, assister à un concert, boire un verre, manger dans un restaurant…»
La force du collectif
Se reconstruire est « un long chemin » . Dix ans après les attentats, Arthur Dénouveaux souligne l'importance de la force du collectif. Les associations de victimes, dit-il, permettent de ne pas rester
seul. Il est essentiel de se confier au système judiciaire.
« Avec le procès, j'ai renoncé à mon désir de vengeance, au profit de la
justice. Le chemin d'après, c'est faire confiance aux institutions de la
République et à la démocratie, pour sortir du cycle sans fin de la violence. »
Le travail de
mémoire reste essentiel : comprendre ce qui s’est passé, en tirer des
enseignements pour que cela ne se reproduise pas. « On ne se défait pas d'un
traumatisme. Mais on peut vivre avec, et vivre avec joie. Le terrorisme pose
une question démocratique. Plus vous grandirez, plus il sera important de
comprendre ces événements pour construire un monde meilleur. »
Raconter : la meilleure façon d'agir
Sans détour, les collégiens posent de nombreuses questions : que ressent-on face à la mort ? Comment continuer à avancer après ? Cette expérience change-t-elle notre façon de voir le monde ? Il répond que parler a été la première
étape. « Si tu te réveilles des années après et que tu y penses toujours, tu
comprends que tu as été sérieusement abîmé. J’ai cherché de l’aide, je n’aurais pas pu m’en
sortir seul. »
Sa vision du monde a changé : le désir de se battre pour « les bons combats » s’est imposé. Raconter, dit-il, est « la meilleure manière d’agir »
Sa vision du monde a changé : le désir de se battre pour « les bons combats » s’est imposé. Raconter, dit-il, est « la meilleure manière d’agir »
Face aux terroristes eux-mêmes, il confie avoir été frappé par
leur banalité : « Ils me ressemblaient. Je ne voyais pas des monstres, mais des gens qui ont
cessé de réfléchir par eux-mêmes. » Comprendre cela, prévient-il, oblige à être
vigilant face à toute idéologie qui apporte des réponses toutes faites.
Il refuse l’idée de pardon : « On ne pardonne pas un crime contre
des innocents. » Mais refuser de pardonner ne signifie pas vivre dans la
colère. Plutôt que de culpabilité, il parle « responsabilité du survivant » :
utiliser la chance d’être en vie pour agir, transmettre, alerter.
Aux collégiens, il rappelle la difficulté mais aussi la nécessité de
parler lorsqu’on subit une violence ou du harcèlement. « S’ouvrir aux autres
donne une force immense. » Ne plus se définir comme victime est aussi une étape
de reconstruction. « Après dix ans, j’ai décidé de conjuguer ce que j’ai vécu
au passé. »
Les collégiens quittent le débat enrichis par cette rencontre. « Avoir parlé avec une personne qui a vécu le moment m'a beaucoup appris. Il a du faire face aux terroristes pendant toute la durée du procès. J'ai été impressionné par sa force et son calme », confie Ilyes, 14 ans. Pour Iris, 14 ans, l'impact est tout aussi fort « J'ai compris ce qu'il a ressenti et comment il s'est reconstruit. Son courage fait beaucoup réfléchir !».
J'ai compris ce qu'il a ressenti et comment il s'est reconstruit. Son courage fait beaucoup réfléchir !
collegienne, 14 ans
Au-delà du témoignage, le rescapé met en garde les jeunes contre les dérives des réseaux sociaux, qui brouillent la frontière entre vrai et faux et peuvent nourrir des idéologies dangereuses. S'informer,
vérifier, recouper, développer un esprit critique sont des enjeux majeurs
pour les démocraties. « Certaines trajectoires terroristes commencent en ligne.
» Il conseille aux jeunes de ne jamais se laisser enfermer par les
algorithmes. Des paroles qui résonnent avec une intensité particulière dans un lieu
dédié à l'analyse de l’image et des médias.
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