Gauthier, tailleur de pierre et bâtisseur d’histoire
Série
Mise à jour le 02/06/2025

Sommaire
Tailleur de pierre sur de prestigieux chantiers parisiens, de l’église Notre-Dame-de-Lorette au musée du Louvre, Gauthier nous parle d’un métier, redevenu tendance, qu’il continue d’apprendre « en observant les anciens ».
« Quand je passe devant la Madeleine ou la reconstitution du mastaba d’Akhethetep au Louvre, je me dis : c’est moi qui ai posé ça ! » Gauthier, tailleur de pierre, n’est pas peu fier lorsqu’il évoque sa profession et ses réalisations. Plus qu’un métier, un sacerdoce pour le trentenaire depuis une douzaine d’années. « Mon plaisir, c’est le côté bâtisseur. J’aime insérer les pierres dans la façade, créer du neuf ou redonner vie à l’ancien », explique celui qui officie actuellement sur le chantier de restauration de l’église Notre-Dame-de-Lorette (9e).
Jusqu’à 7 kilos sur le dos
À la croisée de l’ouvrier du bâtiment et de l’artiste, le tailleur de pierre façonne la matière brute – des pierres dures comme des pierres tendres – pour en faire des éléments de façade, de corniche ou même des fondations. À la différence d’un sculpteur sur pierre, axé sur l’ornementation, le tailleur travaille uniquement sur ce qui est dessinable avec une équerre et un compas, les deux outils devenus les symboles de la franc-maçonnerie.
« Au Moyen Âge, le tailleur de pierre d’aujourd’hui était appelait “maçon” et il se déplaçait de chantier en chantier. Il était alors payé au nombre de pierres qu’il taillait ! » explique Gauthier, qui a passé un CAP auprès des Compagnons du devoir avant de se spécialiser dans la pose.
Chaque
jour, il travaille en extérieur, souvent en hauteur, dans la poussière ou le
froid, debout, à genoux, accroupi, il doit rester concentrer de longues heures… et porte jusqu’à 7 kilos d’outils sur lui : sa massette, son ciseau, son rabot, sa règle, son pinceau et son crayon, toujours à portée de main.
Un métier dur, certes, mais tout sauf ingrat : en fixant des pierres, Gauthier écrit sa part d’histoire. Anonymement… ou pas. Comme ses confrères, il appose une marque de tâcheron, symbole ancestral des bâtisseurs, gravée dans la pierre à l’endroit où elle ne sera visible que lors d’une éventuelle dépose, dans quelques siècles peut-être.
Gauthier travaille pour l’entreprise Degaine sur divers monuments en région parisienne. Il présente le plan de l’église Notre-Dame de Lorette (9e).
Credit
Clément Dorval / Ville de Paris
La marque de tâcheron de Gauthier, inspirée de la série « Stargate ».
Credit
Clément Dorval / Ville de Paris
Application d’un joint à la chaux sur le chantier de Notre-Dame-de-Lorette (9e).
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Clément Dorval / Ville de Paris
Apprendre en observant les anciens
Ce qui plaît aussi à notre ouvrier qualifié, c’est d’étudier et de recréer des techniques anciennes. Ainsi, à Notre-Dame-de-Lorette, c’est après le travail de nettoyage par sablage de la façade que se sont révélés les défauts des pierres, celles qui devaient être remplacées, celles à l’aspect rugueux. Les blocs de pierre, qui font parfois jusqu’à une tonne, sont taillés en atelier avant d’être transportés à l’église.
« Il y a un gros travail de recherche en amont pour trouver des carrières avec des natures de pierre qui correspondent à celles utilisées à l’époque sur les bâtiments. Ici, c’est du calcaire de Saint-Maximin, dans l’Oise, précise le compagnon. Ensuite, on adapte nos gestes aux techniques de taille d’autrefois. »
Chaque région, chaque période, chaque entreprise a ses techniques. Et c’est en observant les anciens que l’on apprend : c’est un métier où l’on se transmet des savoir-faire millénaires.
tailleur de pierre
Sa passion, Gauthier aime la partager, notamment lors de démonstrations aux Journées européennes des métiers d’art et aux Journées européennes du patrimoine. « Au mois d’avril dernier, j’ai accueilli des enfants sur le chantier de l’église pour leur montrer comment, à partir d’un bloc irrégulier que l’on appelle une "patate” : on crée une face plane, puis on taille un cube parfait qui, s’il est d’équerre et parallèle sur ses six faces, doit pouvoir tenir par la gravité sur les autres pierres. Certes, on insère toujours un mélange de chaux, de sable et d’eau pour stabiliser un bâtiment, mais si une pierre tombe d’une façade, c’est qu’elle n’a pas été bien posée ! »
Il poursuit : « Les gens sont surpris que l’on sorte
encore de terre des blocs de pierre, que l’on taille à la main ou que l’on
utilise un ciseau courbé. Beaucoup ignorent tout de ce métier. » En l’écoutant, les Parisiens comprennent mieux pourquoi
les échafaudages sont posés sur les façades et que le bruit et la poussière
dans leur quartier durant quelques mois valent la peine.

Après avoir travaillé au sommet de l’église Notre-Dame-de-Lorette (9e), Gauthier va commencer un chantier dans la rue de l’Élysée (8e). Mais son rêve est de mettre son savoir-faire au service de la façade de l’Hôtel de Ville (Paris Centre)…
Credit
Clément Dorval/Ville de Paris
Un métier redevenu tendance
Gauthier constate un regain
d’intérêt pour l’artisanat d’art depuis le chantier de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame (Paris Centre), en lien aussi avec la crise du Covid-19. « Beaucoup de personnes ont envie de se reconvertir, de chercher du
sens à travers un métier manuel. Je trouve ça génial que ce soit de nouveau “tendance”. D’autant que, quand j’étais enfant, on me riait un peu au nez lorsque je confiais vouloir devenir tailleur de pierre. »
S’il a su contourner les obstacles pour exercer cette belle profession, il lui reste des rêves, comme celui de travailler un jour sur sa façade parisienne préférée : celle de l’Hôtel de Ville (Paris Centre). « Je l’ai étudiée pendant des heures quand j’étais aux Compagnons du devoir. Elle a tout ce qui me plaît : un gigantisme, des décrochés, une histoire, une richesse incroyable. » On valide !
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