Les archéologues parisiens révèlent 2 000 ans d’histoire au cœur du quartier Latin
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Mise à jour le 23/05/2025

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En 2022, à l’occasion de la réfection d’un hôtel de tourisme, une équipe d’archéologues a investigué le sous-sol du bâtiment du 20, rue Cujas sur près de 255 mètres carrés… Alors que le rapport de fouille sera bientôt dévoilé, retour sur quelques découvertes passionnantes révélées par cette opération.
Connaissiez-vous le goût prononcé des Lutéciens pour les huîtres ? En découvrant des milliers de coquilles lors de fouilles réalisées au 20 rue Cujas (5e), une équipe d'experts du Pôle archéologique de la Ville de Paris a eu un aperçu des menus au temps des Gallo-Romains ! Lampes à huile, pièces de monnaie, écailles de poissons et ossements de bœuf datant depuis l'année 27 av. J.-C. font partie des autres découvertes de ce chantier pas comme les autres.
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Le vendredi 13 juin, le Pôle archéologique ouvre les portes de ses réserves à l'occasion de deux visites guidées sur inscriptions et vous donne également rendez-vous dans les Jardins du Palais royal le weekend des 14 et 15 juin. Le village de l'archéologie sera en accès libre samedi 14 juin de 11 h à 19 h et dimanche 15 juin de 11 h à 18 h. Tout le programme.
Il était une fois Lutèce
Aux prémices de la cité antique
En descendant à plus de 4,5 mètres sous le niveau du sol actuel,
les archéologues ont remonté le temps jusqu’à l’époque romaine. Les coups de
pioches et de truelles ont permis d’observer les premières traces d’un quartier
d’habitations aménagé sous le règne de l’empereur Auguste (de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.).
Les archéologues de la Ville de Paris fouillent le sous-sol d'un hôtel rue Cujas.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Une série de trous de poteaux observés lors de la fouille de la rue Cujas.
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DHAAP/ Ville de Paris
Vestiges d’une ancienne ruelle de Lutèce et de son caniveau maçonné, mis au jour rue Cujas en 2022.
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DHAAP/ Ville de Paris
Vestiges d’un caniveau en bois en bordure de voie.
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DHAAP/ Ville de Paris
Céramique gallo-romaine complète découverte en place parmi des niveaux antiques rue Cujas.
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DHAAP/ Ville de Paris
À cette période, les maisons sont encore bâties à partir de matériaux
périssables (bois et torchis) comme l’attestent les trous de poteaux mis au
jour lors de la fouille. Les vestiges des premières rues de Lutèce, encadrées
de trottoirs et de caniveaux, ont également été dégagés. Au cours du Haut-Empire
(Ier-IIIe siècles), des constructions en pierre succèdent aux précédents
aménagements.
Un quartier voisin du forum de Lutèce
L’îlot d’habitation antique découvert par les archéologues
se trouvait à une cinquantaine de mètres du forum de Lutèce. Ce monument long
de 178 mètres sur 89 mètres de large représentait l’épicentre de la vie civique
gallo-romaine : il concentrait les institutions administratives
(basilique), religieuses (temple) et les activités commerciales (plus de 70
boutiques) de la cité.
Le site fouillé rue Cujas et sa localisation au sein de la cité antique de Lutèce.
Credit
DHAAP/ Ville de Paris
Lampe à huile gallo-romaine découverte rue Cujas.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Monnaie de l'empereur Claude (41-54 de notre ère), découverte rue Cujas.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Perle en fritte (matériau à base de verre) découverte parmi les niveaux d'occupation antiques rue Cujas.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
De mars à avril 2025, le Pôle archéologique de Paris a conduit une fouille au rez-de-chaussée d'un immeuble situé, lui aussi, rue Cujas. Les archéologues espèrent que les découvertes réalisées (en cours d'analyses) permettront d'étayer nos connaissances sur ce quartier central de Lutèce.

Les archéologues de la Ville de Paris viennent de dégager l'ancien pavement du collège de Cluny et s'apprêtent à mettre au jour des vestiges médiévaux et antiques, lors d'une nouvelle fouille menée rue Cujas en 2025.
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Marc Lelièvre/ DHAAP
Dans les assiettes des Parisiens d'autrefois
Les bouchers de l'Antiquité
La fouille archéologique menée rue Cujas a mis en évidence
une grande variété de déchets culinaires qui témoignent des habitudes
alimentaires du passé. Parmi les vestiges antiques, une quantité
impressionnante d’ossements de bœufs ont notamment été observés. Il s’agit très
probablement de rejets issus d’un atelier de boucherie, comme le suggèrent la surreprésentation d’os
pauvres en viande (mandibules, scapulas), l’occurrence des traces d’outils et la répétition
des gestes de découpe.
Un amas d'ossements de bœufs est en cours de dégagement sur le chantier de la rue Cujas.
Credit
Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Des mandibules de bœufs apparaissent dans les niveaux d'occupation antiques.
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DHAAP/ Ville de Paris
La situation de cette activité bouchère - à proximité immédiate du forum -
interroge. Les carcasses de bœufs ont-elles été débitées à la suite de
sacrifices rituels, pratiqués dans l’enceinte du monument ? C’est l’une
des hypothèses avancées…
Les Lutéciens raffolaient des huîtres !
Les niveaux d’occupation antiques ont également permis
d’attester le goût prononcé des Lutéciens pour les huîtres. Plus de mille
coquilles ont ainsi été collectées puis étudiées. Ces bivalves marins auraient
été pêchés dans les eaux de la Manche occidentale ou de l’Atlantique nord avant
d’être acheminés à Lutèce probablement par bateau.
Coquilles d'huîtres découvertes lors de la fouille menée rue Cujas.
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DHAAP/ Ville de Paris
L'une des coquilles mises au jour présentait un curieux dessin formant un visage : il s'agit en réalité de traces laissées par des parasites marins (ver et gastéropode).
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Les huîtres sont des
organismes résistants qui peuvent survivre jusqu’à trois semaines hors de l’eau
si elles sont maintenues à une température de 4°. Une fois vendues sur les étals
des marchés gallo-romains, elles
étaient servies crues ou sous forme de ragoûts.
Le hareng, poisson « star » des menus médiévaux
Grâce aux découvertes réalisées rue Cujas, les archéologues
ont également pu documenter les habitudes culinaires du Moyen Âge. Un lot
d’arêtes de poissons a été soigneusement prélevé au sein d’une latrine du XIVe
siècle. 80 % de ces restes osseux appartenaient à des harengs, une espèce
maritime qui avait l’avantage de se conserver facilement grâce à la technique
du saurissage (salage et fumage). Quelques pépins de raisin et de minuscules
fragments de coquilles d’œufs sont également parvenus jusqu’à nous, plus de 600
ans après avoir été dégustés.
Arêtes de poissons soigneusement triées au sein d'un prélèvement de sédiments passés au tamis.
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DHAAP/ Ville de Paris
De nombreuses écailles de poissons ont également été collectées lors de la fouille.
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DHAAP/ Ville de Paris
Le collège de Cluny : une page de l’histoire de l’Université de Paris
Au XIIIe siècle, l’Université de Paris connaît un véritable
essor et de nombreux collèges, dédiés à l’hébergement des étudiants (ou
écoliers comme on les appelle alors), sont créés à travers le quartier Latin.
C’est ainsi que le collège de Cluny est fondé au cours des années 1260 à
l’emplacement de l’actuelle rue Cujas (voir plan ci-dessous). Implantée dans les jardins
du cloître de l’établissement médiéval, la fouille réalisée en 2022 a révélé
quelques témoins de cette époque.

Localisation du collège de Cluny au sein du Paris médiéval (le point rouge désigne l'emplacement de la parcelle fouillée).
Credit
DHAAP/ Ville de Paris
Les vestiges d'un ensemble architectural disparu
Les archéologues parisiens ont notamment mis au jour un
puits à eau maçonné aménagé au Moyen Âge, puis intégré à l’immeuble du XIXe
siècle. Doté d’un diamètre de 1 mètre, cet ouvrage a été réalisé au moyen de blocs
de calcaire disposés en quinconce d’un rang à l’autre. Des chapiteaux de
colonnes ont également été mis au jour parmi les niveaux d’occupation
médiévaux. Leurs décors végétaux, représentant notamment des feuilles de
figuiers, rappellent certains éléments lapidaires conservés au musée de Cluny
et qui proviennent de la salle capitulaire du collège.
Puits maçonné médiéval dégagé par les archéologues rue Cujas.
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DHAAP/ Ville de Paris
Chapiteau décoré de feuilles de figuiers provenant probablement de la salle capitulaire du collège de Cluny.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Dans les jardins du cloître : une latrine et des inhumations
1486 tessons de céramique datant de la fin du XIIIe
siècle au début du XIVe siècle ont été découverts au sein d’une fosse dépotoir.
Ces fragments de poteries proviennent d’un large panel de récipients destinés à
la cuisson, à la conservation ou au service des liquides.
Pichet en céramique glaçurée (XIIIe-XIVe siècles).
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DHAAP/ Ville de Paris
Tessons de céramiques médiévales mis au jour dans une latrine rue Cujas.
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DHAAP/ Ville de Paris
Tasse polylobée découverte rue Cujas.
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DHAAP/ Ville de Paris
La fouille a par ailleurs révélé des restes humains issus de
sépultures perturbées. Datés des XIVe-XVe siècles grâce au carbone 14, ces
ossements proviendraient d’une aire funéraire établie dans l’enceinte du jardin
du collège. Si au Moyen Âge, il est courant d’inhumer les défunts sous les
galeries des cloîtres, il est très rare d’observer des sépultures dans les
jardins.

Ossements humains épars mis au jour lors de la fouille.
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DHAAP/ Ville de Paris
Révolution et démolition
D'une caserne militaire à l'atelier du peintre David
En 1789, le collège de Cluny est réquisitionné par les
révolutionnaires afin d’être transformé en caserne. Des travaux sont réalisés
pour améliorer le confort des soldats qui stationnent désormais dans le vieil
édifice médiéval. La fouille a révélé la présence d’une forge à la fin du XVIIIe
siècle qui pourrait être liée à l’arrivée des militaires au sein du collège à
cette période.
Bouton d'uniforme de la garde nationale (1790) découvert lors de la fouille.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Battitures (déchets issus du travail du métal) provenant d'une ancienne forge installée au sein du collège de Cluny transformé en caserne.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Réchaud en terre cuite (époque moderne).
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
L’établissement est finalement cédé à un couple
d’aristocrates en 1797, qui loue certains corps de bâtiments à des
particuliers. Ainsi, le peintre Jacques Louis David installe son atelier dans
la chapelle du collège durant près d’une décennie. C’est ici qu’il réalise ses
grands formats, à l’instar du Sacre de
Napoléon.
Une adresse visitée par le pionnier de l'archéologie parisienne
Domino en tabletterie (os de bœuf) datant du XIXe siècle.
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DHAAP/ Ville de Paris
Pipes en terre cuite (milieu XIXe siècle) produites à Saint-Omer et découvertes rue Cujas.
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Pascal Saussereau/ Ville de Paris
Vieillissant, l’ancien collège de Cluny est progressivement
démoli au cours du XIXe siècle, pour laisser place à de nouveaux
immeubles. En 1860, l’archéologue parisien Théodore Vacquer (1824-1899) surveille le
chantier de démolition et consigne certains détails architecturaux liés au
passé médiéval du bâtiment, avant que celui-ci ne disparaisse définitivement.
Démolitions de Paris. Ancien collège de Cluny, Adolphe Rouargue, 1860 (Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne).
Credit
Bibliothèque universitaire de la Sorbonne
Chapelle [avant-nef] de l’ancien collège de Cluny, Jules Gaildrau, 1860.
Credit
Bibliothèque universitaire de la Sorbonne
Façade du collège de Cluny dessinée par Théodore Vacquer avant sa démolition.
Credit
DHAAP/ Ville de Paris
Archives de Théodore Vacquer témoignant de ses observations au collège de Cluny.
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DHAAP/ Ville de Paris
Sa mission consiste notamment à sauver des décombres les « objets d’art et d’antiquité » pour le musée de Cluny, les éléments architecturaux – tels que les quelques clefs de voûte, consoles et chapiteaux et dalles funéraires actuellement conservés au musée national du Moyen Âge – sont le fruit de sa collecte durant cette opération.
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