Les bouquinistes et Paris, histoire d'Amour en capitale
Focus
Mise à jour le 14/02/2024
Sommaire
Lettre par lettre, mot par mot, remontez le fil de l'histoire des bouquinistes et de la plus grande librairie à ciel ouvert de Paris. Et puis, partez à leur rencontre sur les quais : passion et expertise seront au rendez-vous.
Envie de devenir bouquiniste ?
La Ville de Paris lance un appel à candidatures pour attribuer les emplacements de bouquinistes devenus vacants. L'appel est ouvert jusqu'au lundi 14 octobre 2024 à 16h.
De « boucquain » à « bouquin »
À l’origine des bouquinistes, il y a le mot bouquin, forme familière de livre. Imprimé pour la première fois en 1459, il est nommé alors « boucquain » et devient « bouquin » vers la fin du XVIe siècle. Il est issu du mot flamand « boeckin » signifiant petit livre (au sens de livre de peu de valeur ou peu estimé), dérivé lui-même du moyen néerlandais médiéval « boek » : livre.
La première apparition du terme « bouquiniste » est relevée dans le Dictionnaire de Trévoux en 1752, avec cette définition : « Qui se dit des vendeurs de vieux livres, de bouquins. » L’exercice de la profession est alors majoritairement masculin. Mais le terme « bouquiniste » apparaît sous les deux genres dans la 8e édition du dictionnaire de l’Académie française, en 1932.
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Une ode au vert wagon
Le bouquiniste est bien plus qu’un « ouvre-boîte », appellation qui désigne les salariés des bouquinistes qui ne sont pas vraiment du métier. Néanmoins, la boîte, si caractéristique de la profession, est au cœur du métier et a évolué au fil du temps.
Les boîtes actuelles sont officialisées en 1891, lorsqu’un arrêté municipal autorise les bouquinistes à laisser leurs marchandises la nuit sur le lieu de vente qui leur est concédé. Jusque-là, les livres étaient proposés dans de petites caisses en bois, manipulables facilement.
Vers 1900, il est requis que les boîtes doivent toutes être de la même couleur, dite vert wagon, à l’image du premier métropolitain, des fontaines Wallace et des colonnes Morris. Par ailleurs, le couvercle relevé ne doit pas dépasser 2,10 m au-dessus du sol, afin de ne pas boucher la vue.
Une inscription au patrimoine culturel immatériel français
Depuis 1991, les bouquinistes étaient, à tort, associés à l’inscription des Rives de la Seine au patrimoine mondial de l’Unesco. En 2019, Jérôme Callais, président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, lui-même bouquiniste passionné, lance une campagne qui permet aux « traditions et savoir-faire des bouquinistes des quais » de faire leur entrée au patrimoine culturel immatériel français (PCI).
Indissociables des quais de Seine
Dès le XVIe siècle, les ancêtres des bouquinistes, colporteurs et « estaleurs », sont à l’œuvre. Le colporteur vend ses livres dans un panier porté au col ou en bandoulière. L’estaleur, plus sédentaire, vend des livres présentés sur des tréteaux ou à même le sol sur une toile et exerce son métier sur les quelques quais alors maçonnés – quai des Grands-Augustins, incluant celui de Conti, pour la rive gauche et quais de Gesvres et de la Mégisserie pour la rive droite – et, à partir de son achèvement en 1606, sur le pont Neuf.
Mais en 1649, sous la pression des libraires, un règlement interdit l’étalage de livres sur le pont. C’est aussi là que se vendaient le plus de pamphlets politiques, religieux et autres gazettes à scandales…
La condition des bouquinistes évolue avec le Premier Empire et les évolutions urbanistiques de la capitale. Les quais sont alors pour la plupart maçonnés et les bouquinistes sont définis et reconnus par l’administration qui les assimile aux commerçants publics de la Ville de Paris. Le 10 octobre 1859 est édicté le premier règlement spécifique aux bouquinistes, mais il ne leur est pas encore permis de laisser la marchandise sur le lieu de vente la nuit. Ils doivent remiser chaque soir leurs livres.
Une association de promotion et de valorisation
L’Association culturelle des bouquinistes de Paris (ACBP), à la tête de laquelle on retrouve Jérôme Callais, est une association créée en 2009. C’est la seule association de promotion et de valorisation des bouquinistes des quais de Paris aujourd’hui active. Elle a porté avec succès l’inscription au patrimoine culturel immatériel français et compte reprendre prochainement le dossier pour obtenir l’inscription de la corporation au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Dans l’association, bénévoles et bouquinistes de profession aident à orienter les adhérents, s’ils en expriment le besoin, vers diverses formations. Ils proposent aussi des visites d’initiation au métier de bouquiniste à des groupes de scolaires franciliens.
3 kilomètres de livres en tous genres
C’est bien à un itinéraire au cœur de Paris que nous invitent les bouquinistes. Lors de l’Exposition universelle de 1900, on dénombre déjà 200 bouquinistes sur les quais de la Seine.
Aujourd’hui, ce sont 3 kilomètres de livres anciens ou contemporains, gravures, timbres et autres revues que l’on peut arpenter. Le tout installé sur les parapets des quais hauts des deux rives de la Seine enserrant les îles de la Cité et Saint-Louis :
– rive droite : du pont Marie au pont des Arts (du quai de l’Hôtel de Ville au quai du Louvre)
– rive gauche : du pont Sully au pont Royal (du quai de la Tournelle au quai Voltaire)
– rive droite : du pont Marie au pont des Arts (du quai de l’Hôtel de Ville au quai du Louvre)
– rive gauche : du pont Sully au pont Royal (du quai de la Tournelle au quai Voltaire)
En se promenant près des bouquinistes, on peut aussi contempler le Louvre, l’Institut de France, l’hôtel de la Monnaie, la fontaine Saint-Michel, le pont des Arts, l’île de la Cité, la cathédrale Notre-Dame, l’Hôtel de Ville, la Conciergerie, etc.
Merci Napoléon III !
En 1866, les bouquinistes font intervenir Paul Lacroix, plus connu dans l’univers de l’érudition et de la bibliophilie sous le pseudonyme du Bibliophile Jacob (ou P. L. Jacob), auprès de l’empereur Napoléon III. Sa mission est de le persuader de faire renoncer le baron Haussmann à son idée de leur faire quitter les rives de la Seine.
Succès : les bouquinistes sont autorisés à rester et les boîtes actuelles sont officialisées en 1891, lorsqu’un arrêté municipal autorise les bouquinistes à laisser leur marchandise la nuit sur le lieu de vente qui leur est concédé. Ils peuvent alors exploiter 10 mètres de quai. Mais le 27 janvier 1943, un décret du préfet de la Seine ramène la longueur d’exploitation des quais à 8 mètres.
Ouverts 4 jours par semaine
Les bouquinistes ne payent ni taxe ni loyer, mais doivent respecter un règlement strict concernant leur commerce. Les emplacements vacants sont attribués et réglementés par la Ville de Paris. Les autorisations d’occupation sont d’une durée de cinq ans. Les bouquinistes doivent ouvrir leur emplacement au moins quatre jours par semaine, sauf intempéries. C’est au bouquiniste d’entretenir les quatre boîtes qu’il peut exploiter. Le seul commerce autorisé est celui des vieux livres, livres d’occasion, vieux papiers, gravures.
Accessoirement et à l’intérieur d’une seule boîte, il peut vendre des monnaies, des médailles, des timbres anciens, des cartes postales, des objets de petites brocantes ou des souvenirs de Paris. On peut ici rappeler le credo du bouquiniste qui « est et doit rester fondamentalement un libraire ».
Lire l’article : comment faire une demande d’emplacement
Lire l’article : comment faire une demande d’emplacement
Une source d’inspiration pour Lagerfeld
Pour sa collection automne-hiver 2018-2019, Karl Lagerfeld (1933-2019), directeur artistique de la maison Chanel et grand amateur de littérature, fait reconstituer sous la verrière du Grand Palais, cadre habituel de ses défilés, la façade de l’Académie française et sa fameuse coupole. Des stands de bouquinistes sont aussi créés, le long desquels défilent les mannequins.
Les tailleurs sont gris comme l’asphalte ou les toits en zinc et le final fait apparaître une mariée « académicienne » vêtue d’une veste et d’une longue jupe fendue couleur vert d’eau et ornée de broderies de feuilles d’olivier. Voir des images en vidéo du défilé
Des libraires à part entière
On devient bouquiniste par passion, car les conditions de travail sont plutôt précaires. Les bouquinistes sont ainsi souvent des experts dans leurs domaines. On trouve par exemple des spécialistes du roman policier, de la bande dessinée, de la science-fiction, des arts culinaires, mais aussi des arts du livre, de la philosophie, de l’histoire ou des affiches anciennes.
C’est donc à une rencontre avec de vraies personnalités que sont invités ceux qui déambulent le long des boîtes et la discussion avec les bouquinistes est souvent passionnante.
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