Pauline Déroulède : « J’essaie de transformer ce drame en quelque chose »

Reportage

Mise à jour le 03/09/2021

Pauline Déroulède
Fauchée par un automobiliste en 2018, Pauline Déroulède s’est réveillée en soins intensifs avec une idée en tête : participer aux Jeux de Paris 2024 comme joueuse de tennis-fauteuil. Aujourd’hui, elle s’entraîne entre deux et quatre heures par jour sur terre battue, et milite pour la sécurité routière. Comm’ sur Déroulède !
« Je dis souvent en plaisantant que je suis tombée au bon endroit », sourit la lumineuse Pauline Déroulède. À l’automne 2018, alors qu’elle attend sagement sur son scooter sa compagne partie acheter un bouquet de fleurs, Pauline est percutée par un automobiliste de 92 ans ; projetée à plusieurs mètres, elle termine sa course folle sur le trottoir. La jambe gauche est arrachée ; Pauline est transportée d’urgence dans un hôpital militaire, telle une blessée de guerre. « Dès le premier soir, les soldats m’ont fait comprendre que j’étais l’une des leurs. Et puis, être entourée d’hommes et de femmes blessés sur le front, ça fait relativiser, on n’ose pas trop se plaindre. »
Pauline Déroulède

Le sport, une raison de vivre

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Se plaindre. Pas vraiment le genre de la maison. Quelques heures après le drame, en salle de réveil, elle annonce à son entourage qu’elle a pour projet de participer aux Jeux paralympiques de Paris en 2024. “J’étais déjà hyperheureuse à l’idée de vivre les Jeux en tant que spectatrice ; alors, après l’accident, tout est allé très vite dans ma tête et je me suis dit que le meilleur moyen de rebondir serait d’y participer, à la maison. Ce n’est pas que c’est derrière moi, mais j’essaie de transformer ce drame en quelque chose… » Le sport devient sa raison de se lever le matin, son meilleur outil de reconstruction. Elle rejoint le programme de détection La Relève, initié par le Comité paralympique et sportif français (CPSF).
Pauline s’entraîne « tous les jours, du lundi au vendredi, entre deux et quatre heures de tennis par jour, plus deux heures de préparation physique ». À défaut d’avoir connu auparavant une carrière de haut niveau, la jeune femme pratique le tennis depuis l’âge de 7 ans et possède un diplôme qui l’autorise à dispenser des cours aux plus jeunes. Après avoir hésité un temps avec le paratriathlon, le tennis-fauteuil s’impose comme une évidence, histoire de mettre toutes les chances de son côté pour participer à la fête de 2024. « Au début, il y a beaucoup de frustration quand on voit passer à gauche, à droite, des balles que l’on aurait eues sans problème debout… Mais à partir du moment où j’ai commencé à m’entraîner, j’étais déterminée à 100 %. »
Pauline Déroulède

Une jambe de super-héros

Munie d’une prothèse de jambe truffée de technologies qui lui permet de se tenir debout au quotidien, Pauline doit également apprivoiser la conduite de son fauteuil, aussi important que la raquette dans sa nouvelle discipline. « Si on me le proposait, je reprendrais ma jambe sur-le-champ. Mais aujourd’hui, j’avance avec ma prothèse et mon fauteuil qui, sans être devenus des parties de mon corps, sont comme des extensions de moi. » Très tôt après l’accident, elle affronte le regard des autres : « J’ai tout de suite montré ma prothèse ; j’étais en short en fait, parce que c’est plus pratique qu’un pantalon. » Le regard des gens rend certains jours compliqués, « mais je ne leur en ai jamais voulu parce que je comprends tout à fait. Moi-même, je regarderais ! » C’est la phrase d’un petit garçon dans la rue qui l’a beaucoup aidée : « Regarde, elle a une jambe de robot, c’est une jambe de super-héros ! »

Une médaille dans le viseur

Deux ans après le début de sa carrière, l’ancienne assistante réalisatrice pour la télévision – The Voice, Ninja Warrior… et même une apparition remarquée dans Danse avec les stars ! – est déjà championne de France et a intégré l’équipe nationale, une grande fierté pour cette citoyenne dans l’âme. Depuis son accident, elle milite activement auprès du gouvernement pour faire évoluer la réglementation et mettre en place des tests d’aptitudes réguliers au permis de conduire pour les automobilistes handicapés par l’âge ou la maladie. «J’ai commencé par me prendre pas mal de râteaux, le gouvernement ne voulait pas s’y atteler parce que l’on touche à un électorat ; et puis en France, la voiture, c’est sacré », raconte la Parisienne qui n’a pas l’habitude de baisser les bras.
« Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être écoutée et je travaille désormais avec le secrétariat d'État chargé des personnes handicapées pour proposer des solutions alternatives de mobilité à ces hommes et femmes en difficulté. » Elle qui parle si bien de sport paralympique est également devenue consultante sur la chaîne L'Équipe pour les Jeux paralympiques de Tokyo, qui se sont achevés le 5 septembre dernier. Sélectionnée en équipe de France pour la Coupe du monde qui se déroule en septembre 2021, elle garde la médaille paralympique dans un coin de sa tête. Car elle l’aura, elle en est persuadée ! Tant de détermination force le respect et l’adhésion. Les Parisiens sont déjà à ses côtés. « J’aime ma ville ! Je suis parisienne depuis toujours, j’aime beaucoup aller dans le Marais, et dans le 6e aussi. Et même si ça fait pitié (rires), quand je passe près de la tour Eiffel, je regarde ! » #JoueLaCommePauline