Si le plus vieil arbre de Paris, le robinier du square Viviani, nous contait son histoire…
Le saviez-vous ?
Mise à jour le 07/11/2022
Vous êtes peut-être passé près de lui sans savoir que vous croisiez le plus vieil arbre de Paris. Nous avons imaginé poser quelques questions au robinier du square Viviani (5e), face à Notre-Dame, presque un monument, lui aussi. 421 ans vous contemplent.
Peut-on vous demander de nous raconter votre naissance ?
Etes-vous prêt à un voyage dans le temps ? J’ai été planté en 1601, sous le règne d’Henri IV. C’était un an après la naissance de son fils Louis XIII qui allait lui succéder quand il fut assassiné par Ravaillac en 1610. Bon en réalité, cela n’a pas été si simple car l’enfant n’avait que 9 ans, mais vous regarderez vos livres d’histoire. Revenons à moi ! Figurez-vous que j’ai été envoyé sous la forme d’une graine depuis l’Amérique, à Jean Robin herboriste d’Henri IV. Eh, oui, je suis Américain, de la région des Appalaches, à l’est de l’Amérique du Nord, mais résident Parisien depuis 421 ans ! Si j’avais été planté dans mon pays d’origine, j’aurais pu apprécier cette chaîne de montagnes mais le paysage ici, très différent, me convient aussi. Il y a beaucoup de passage, c’est un peu bruyant certes, mais je vois la Seine et on vient beaucoup m’admirer et j’avoue que j’aime bien cela. Et puis, n’est-ce pas à l’image de Paris d’être une terre d’accueil ?
Vous parlez de Jean Robin, c’est pour cela que l’on vous a appelé robinier ?
Oui, il est vrai que c’est ainsi que les gens me nomment : robinier ou faux acacia. Alors il faut que je rétablisse la vérité sur mon identité. Mon nom latin est bien Robinia, il a été adopté par Linné, un autre herboriste du XVIIe siècle en hommage à celui qui m’avait planté, Jean Robin. Je ressemble par mes feuilles à l’acacia mais je n’en suis pas un. Je suis de la famille des Fabaceae (ou légumineuses). C’est l’une des plus importantes familles de plantes à fleurs. D'ailleurs, de mai à juin c’est là où je suis le plus beau car j’ai de longues grappes de fleurs blanches qui sentent très bon. Je suis caduc, l’hiver je perds mes feuilles. On dit de mon espèce qu’elle est très robuste et que je peux vivre très longtemps : je crois que je l’ai plutôt prouvé…
Vous pouvez nous en dire plus sur Jean Robin ?
Comme je vous le disais Jean Robin était herboriste du roi. En 1597 la faculté de Médecine qui était tout à côté d’ici, s’est dotée d’un « jardin des herbes » et ce jardin a été confié à Jean Robin. Mais vous savez les jardins médicinaux existaient depuis le Moyen-Age dans la capitale. Bref, c’est ici que Robin m’a planté. Malheureusement le jardin a fermé en 1617 mais l'herboriste a tout fait pour que le roi établisse un jardin royal des plantes médicinales : le futur jardin des Plantes. Vous le connaissez encore aujourd’hui. Les historiens ont admis d’ailleurs que le fonds des plantes du jardin royal provenait de ce jardin où il m’avait planté.
Vous étiez donc dans le jardin de la Faculté de médecine ?
Eh, oui et cette faculté de médecine était une des « compagnies » de l’Université de Paris, l’une des plus importantes et plus anciennes universités médiévales, fondée en 1200. Elle a fermé en 1793. Mais vous voyez l’église derrière moi ? C’était là où siégeaient les premières assemblées de l’université.
Cette église existait donc déjà ?
Oui, je suis à côté de celle que l’on considère même comme la plus vieille église de Paris, c’est l’église Saint-Julien le Pauvre. Elle est du VIe siècle, elle me bat en âge ! En réalité au VIe , c’était l’église d’un hospice mais elle a été vandalisée au IXe et reconstruite au XIIe. Bon après la fermeture de l’Université en 1783, elle a été un peu à l’abandon. Pendant la Révolution, c’était un magasin à sel, après elle a été une annexe de l’Hôtel-Dieu, puis elle a été rendue au culte en 1889.
Vous avez dû voir passer beaucoup de célébrités?
Oui, on raconte que Dante et Thomas d’Aquin fréquentaient l’Université. Et je suis du siècle de Racine, Corneille et Jean de la Fontaine ! D’ailleurs, je regrette que La Fontaine n’ait pas écrit une fable sur moi, il a préféré un chêne… Il est vrai, j’étais encore jeune à son époque. Depuis que le square qui m’entoure existe – il a été créé en 1928 et porte le nom de Viviani, le premier ministre du Travail –, je suis au cœur d’un joli lieu de promenade ! Certains viennent lire, certains tentent de cueillir mes fleurs – savez-vous qu’avec, on peut faire de délicieux beignets ? Mais chut il n’est pas autorisé de les cueillir… Et alors qu’est-ce qu’on me photographie !
Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
Il faut que je vous avoue quelque chose : mon tronc est un vestige au sein duquel plusieurs arbres se sont soudés. Les racines aériennes de mes sujets se développent à l’intérieur de mon très vieux tronc qui lui a tendance à vouloir se fissurer. Et l’on conserve mes drageons (oui j’ai tendance à me répandre…). L’avantage c’est que l’on pourra me transplanter afin d’assurer mon avenir.
Qui vous a installé cette balustrade en forme de banc autour de vous ?
C'est la Ville de Paris qui me l’a installé en 2010. Oui, c’est bien un banc circulaire, c’est judicieux n’est-ce pas ? Cela permet à la terre qui m’entoure et qui est recouverte de broyat, de respirer. Et c’est très naturel, la margelle est composée d’un tressage en châtaignier selon une méthode qu’on utilisait au Moyen Age. Et le banc est en chêne. Les passants peuvent s’y asseoir et profiter de mon ombre en été et cela permet aussi de me protéger car je suis vraiment très vieux à présent et fragile. Je n’espère pas m’écrouler mais parfois je me sens bien fatigué.
C’est pour cela que l’on vous a installé aussi ces sortes de piliers en béton ?
Oui, cela peut en surprendre certains mais tel un très vieil homme, j’ai besoin de soutien. Ce qui me permet de tenir debout, ce sont bien ces étais en ciment qui sont habilement dissimulés par cette masse de lierre. Mais rassurez-vous ! Les bûcherons élagueurs de la Ville de Paris surveillent et interviennent régulièrement pour limiter son développement. Il ne faudrait pas que le lierre m’étouffe en me cachant trop la lumière. Ces piliers et le banc circulaire n’ont été conçus que pour me protéger et me donner encore quelques années à vivre. Car oui, il est vrai, je suis bien le plus vieil arbre de Paris. Mais je ne suis pas le plus grand. A quelques encablures d'ici, rue de Varenne j’ai un petit frère, petit par l’âge (et oui il ne date que de 1890 !) mais pas par la taille, il mesure 30 mètres, soit deux fois la mienne. Il y a aussi les deux platanes devant le Grand Palais qui datent de 1900. Ils en auraient aussi à vous raconter… Mais il faudrait un peu faire place à la jeunesse…
Votre avis nous intéresse !
Ces informations vous ont-elles été utiles ?
Attention : nous ne pouvons pas vous répondre par ce biais (n'incluez pas d'information personnelle).