Alexis Michalik, parrain du Refugee Food Festival, « comme une évidence »

Rencontre

Mise à jour le 23/05/2025

Photo du metteur en scène Alexis Michalik.
Le metteur en scène et dramaturge parisien sera le parrain du Refugee Food Festival, organisé du 8 au 29 juin dans toute la France, aux côtés de la cheffe Georgiana Viou. Engagé et fin gourmet, il nous parle de son choix, de théâtre, d’immigration, d’humanisme… et de gastronomie.
Né d’un père d’origine polonaise et d’une mère anglaise, Alexis Michalik a grandi dans le 18e arrondissement, « dans un quartier de melting-pot absolu », et vit aujourd’hui dans le 19e. Après avoir rencontré le succès avec plusieurs pièces qui lui ont valu cinq Molières (Le Porteur d’Histoire, Le Cercle des Illusionnistes, Edmond, Les Producteurs) et un livre, Loin, prix Renaudot des Lycéens, le dramaturge s’est attaqué en janvier 2024 à un sujet autrement plus politique : l’exil et le parcours des réfugiés qui débarquent en France.
Nouvelle pièce à succès, « Passeport » a attiré l’attention des associations, et notamment de Refugee Food, qui lui a proposé d’être le parrain de son festival. Organisé du 8 au 29 juin dans toute la France, ce festival est l’occasion pour plusieurs restaurants de laisser les commandes de leur cuisine à des réfugiés, et de mettre en valeur leur savoir-faire et leurs traditions culinaires.

Pourquoi avoir accepté de parrainer le Refugee Food festival ?

Photo de Alexis Michalik au refugee food.
Quand Passeport est sortie, en janvier 2024, l’association m’a invité à découvrir leurs cuisines dans le 12e. Lorsque le chef de Refugee Food m’a accueilli, c’était comme si j’étais face au personnage de ma pièce, Issa, réfugié érythréen dont on suit le parcours en France, et qui va aussi passer par la restauration pour s’intégrer, comme beaucoup de réfugiés. Être parrain de ce festival était donc pour moi une évidence.
Et puis, l’immigration, l’intégration, le sort des réfugiés, ce sont des sujets qui me parlent. J’ai grandi dans le 18e, dans un quartier de cohabitation assez extraordinaire entre différentes cultures, de melting-pot absolu. Et aujourd’hui, je vis dans le 19e, où il y a peut-être moins de mixité aujourd’hui, mais où différentes cultures se mélangent aussi.

On se rend compte qu’il y a assez peu de voix qui s’élèvent pour parler de manière positive des réfugiés et de l’immigration.

Alexis Michalik
parrain du refugee food festival

Comment vous impliquez-vous, concrètement ?

Depuis les débuts de la pièce « Passeport », en janvier 2024, nous mettons en lumière des associations, comme SOS Méditerranée, Singa, ou encore des initiatives comme les Cuistots migrateurs, qui nous ont préparé des buffets lors de certaines représentations. On essaye d’amalgamer toutes les bonnes volontés car on se rend compte qu’il y a assez peu de voix qui s’élèvent pour parler de manière positive des réfugiés et de l’immigration. Malheureusement, plus on avance dans cette société, plus elle « s’extrême-droitise ».

Certaines critiques ont reproché à « Passeport » son côté un peu trop angélique. Que répondez-vous ?

Dès qu’on a commencé à jouer Passeport, plusieurs assos sont venues naturellement vers nous et nous ont dit : « Ce que raconte la pièce va dans le sens de ce qu’on vit au quotidien ». Ceux qui n’ont rien eu à redire sur le spectacle, ce sont les réfugiés eux-mêmes. Eux se sont reconnus dans les personnages de la pièce. L’histoire de Passeport, c’est d’abord l’histoire de ceux qui parviennent à s’intégrer. Et l’idée de Refugee Food, c’est de dire que cette population qui arrive n’a, pour la grande majorité, qu’une envie : travailler et s’intégrer.

Quand je pense à quelqu’un qui quitte tout, qui risque tout pour tenter de reconstruire sa vie dans un nouveau pays, je vois avant tout un courage extraordinaire, une abnégation.

Alexis Michalik
parrain du refugee food festival
J’ai tendance à penser que cette personne va être un bel apport à la société. Et si cette personne-là bascule dans la délinquance, est-ce que ce n’est pas nous qui n’avons pas su l’accueillir ?

« Passeport » est sans doute votre pièce la plus politique… Pourquoi prendre la parole aujourd’hui sur cette question ?

J’ai toujours l’impression, quand je parle de politique, d’enfoncer des portes ouvertes. Quand j’étais plus jeune, je ne me sentais pas légitime pour porter ces sujets, j’avais l’impression que ça n’apporterait pas grand-chose. J’ai manifesté en 2002 quand le Front National est arrivé au 2e tour de la présidentielle, mais comme des millions de gens l’ont fait. C’était quelque chose qui n’était pas du tout une parole engagée, c’était très classique.
Mais je constate aujourd’hui, vingt ans plus tard, que le simple fait d’être de gauche, d’avoir des propos humanistes et de dire que l’immigration peut être quelque chose de positif, c’est devenu complètement disruptif. Ce n’est pas moi qui ai changé, c’est le monde. Et c’est inquiétant.

Vous pensez que la gastronomie peut être un vecteur d’intégration et d’acceptation ?

La gastronomie est un sujet qui nous touche tous, particulièrement en France. Et c’est un secret de polichinelle de dire que l’immense majorité des cuisines parisiennes sont tenues par des personnes réfugiées. Refugee Food permet aux réfugiés de partager leurs traditions culinaires, leurs spécialités.

La gastronomie est un vecteur d’intégration et de partage. Et c’est aussi un langage universel. Il est facile de convaincre les gens par la cuisine : si on aime, on mange !

Alexis Michalik
parrain du refugee food festival
C’est extrêmement touchant de les voir cuisiner pour les autres, de les voir heureux de transmettre leur savoir-faire. Alors oui, la gastronomie est un vecteur d’intégration et de partage. Et c’est aussi un langage universel. Il est facile de convaincre les gens par la cuisine : si on aime, on mange !

Et vous, quelles sont les cuisines que vous affectionnez particulièrement ?

J’aime beaucoup le mafé, et le yassa. J’aime beaucoup la cuisine africaine. L’hiver, je suis très couscous. J’adore les cuisines méditerranéenne, marocaine, libanaise, israélienne, japonaise… Et la cuisine française, bien sûr, même si j’ai moins de références. Elle est tellement vaste… dès qu’on va dans une région, on a une spécialité différente !
J’ai aussi un petit-déjeuner extrêmement élaboré, de ma propre confection : sur une tranche de pain noir allemand toasté, j’ajoute du fromage frais, un demi-avocat, de la betterave tranchée, du concombre, de la ciboulette ou de la coriandre fraîche (à foison !) et un œuf au plat, le tout saupoudré de Zaatar libanais, une sorte de sel au thym et graine de sésame. Je fais ça tous les matins, comme un rituel. C’est tellement bon que je pense même à breveter ma recette !