Les trésors restaurés de l'église Saint-Sulpice

Reportage

Mise à jour le 12/06/2025

Eglise Saint-Sulpice (6e)
Depuis quelques années, les restaurations se multiplient dans cette magnifique église du 6e arrondissement. Après la chapelle de la Vierge achevée en 2024, ce sont les chapelles Sainte-Geneviève et Saint-Martin qui viennent d'être restaurées grâce au Budget participatif. Une mise aux normes électriques permet également un nouvel éclairage sur mesure du lieu.

Deux chapelles intégralement restaurées en 2025

Les beaux décors peints par Louis Charles Timbal (1821-1880) au sein de la chapelle Sainte-Geneviève présentaient d’importantes dégradations provoquées par d’anciennes infiltrations d’eau. Elles prenaient la forme d’efflorescences salines cristallisées, de soulèvements de couche picturale, de pertes de matière, et de desquamation de la pierre. Par ailleurs, les décors étaient très encrassés.
La restauration a permis de refixer une couche picturale avant de réaliser un décrassage et un traitement de la surface. Celui-ci a impliqué une réflexion sur les repeints et des interventions de reconstitution et réintégration dans les zones les plus altérées. A l'instar de la chapelle Saint-Martin, l’ensemble des grilles, du mobilier sculpté ou en bronze doré a également été nettoyé. Une belle restauration à admirer dès que vous pourrez !
Le décor dédié à saint Martin a été commandé par Victor Baltard, architecte de la ville de Paris, à Victor Mottez (1809-1897), en 1859. Celui-ci représente la Charité de Saint-Martin à l’est et, à l’ouest, Saint Martin ressuscitant le néophyte de Ligugé. Mottez, qui soumet ses esquisses à son maître Jean-Auguste-Dominique Ingres pour recueillir ses conseils, y travaillera jusqu’en octobre 1865.
La technique utilisée est celle, particulièrement complexe à mettre en œuvre, de la fresque, qu’il pratique également à Saint-Germain-l’Auxerrois (Paris Centre) et à Saint-Séverin (5e) notamment. Les zones de la chapelle ayant souffert d’infiltration voyaient leur décor se soulever, s’écailler ou exploser sous l’action des sels. Plus spécifiquement, la couche picturale des deux scènes de la vie de saint Martin témoignait de pulvérulence des sous-couches à fresque, ce qui a vraisemblablement compromis dès l’origine la conservation des compositions achevées .
Les couleurs, particulièrement mates, étaient ternes et assombries ; les lacunes nuisaient à la lisibilité des compositions et l’ensemble était taché de coulures, de repeints désaccordés et maladroits voire informes. Après un décrassage, dont les modalités ont varié en fonction des altérations, le décor écaillé a été refixé et le traitement esthétique ajusté en fonction des réintégrations et du parti adopté sur les matités et les brillances.

Des travaux de mise aux normes électriques nécessaires

Aussi invisibles qu'indispensables, les travaux de mise en sécurité et d'électricité se sont déroulés pendant trois ans sans interruption de l’activité au sein de l'église.
Une première étape s’est déroulée à l’été 2022 avec l’installation de lignes de vie par des cordistes de Savoie et avec la réfection d’un chemin de circulation technique dans les combles par des charpentiers d’Île-de-France.
Une deuxième étape de travaux s’est déroulée de l’automne 2023 à l’hiver 2025 avec la réalisation d’une nouvelle installation électriques des deux sous-sols au onze niveaux supérieurs.
C'est désormais près de 45 kilomètres de câbles qui circulent au sein des 9 000 mètres carrés de l’église, alimentant 27 tableaux électriques et 1 100 équipements terminaux.
Électriciens, mais aussi maçons, menuisiers, serruriers, restaurateurs en décors se sont alliés pour dissimuler au mieux ces installations techniques.
Aujourd'hui, le passage des réseaux dans les chapelles est imperceptible. Allez jeter un œil par exemple à la chapelle des Saints-Anges sous les peintures de Delacroix ! Vous n'y verrez plus de câbles, preuve du savoir-faire des entreprises et artisans.

Le transept sud à nouveau accessible

En mars 2019, un incendie se déclare au niveau du transept sud. Peu s'en souviennent, car un autre incendie a marqué le printemps 2019, celui de Notre-Dame de Paris.
À Saint-Sulpice, le feu se propage rapidement, aidé par l'aspiration d'air venant de la baie vitrée située au-dessus du transept. La partie gauche du vitrail explose. Les bas-reliefs (les éléments sculptés) sont calcinés ainsi que les parties hautes du sas d'entrée.
Il aura fallu plusieurs années pour redonner au transept sud son éclat d'antan. Sans compter que les dimensions colossales de l'église, l'une des plus grandes de la capitale avec Notre-Dame de Paris et Saint-Eustache, nécessitent un entretien constant et un budget sur plusieurs mandatures.

Retrouver les savoir-faire oubliés

Les bas-reliefs ont donné du fil à retordre aux conservateurs-restaurateurs. Il s'agit d'une création des frères Slodtz, une fratrie née d’un père sculpteur qui travaille pour l'intendance des Menus-Plaisirs sous Louis XIV. Ces sculpteurs maîtrisaient une technique à base de pâte à papier, connue aussi sous le nom de carton-pierre, dont la mise en œuvre a été perdue au fil des siècles. Les bas-reliefs ont donc été reproduits à base de pâte à papier supportée par une couche de résine qui la renforce.
Grâce à une étude stratigraphique, la couleur ocre-jaune d’origine de la porte située en dessous a été retrouvée. Il ne restait plus qu'à repeindre tout le transept sud avec cette nouvelle teinte. Son inauguration a eu lieu en mars 2023.

Les couleurs vives de Lenepveu dévoilées

Peintures de Jules-Eugène Lenepveu, chapelle Sainte-Anne, église Saint-Sulpice (6e) en janvier 2023
Peu connu du grand public, Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898, attention à la prononciation !) est un peintre classique très admiré au XIXe siècle. Il est célèbre pour avoir peint le plafond de l’Opéra Garnier, désormais recouvert par l’œuvre de Chagall. C'est à lui que l’on confie la réalisation de grandes peintures murales pour habiller la chapelle Sainte-Anne de l'église Saint-Sulpice.
Cet artiste académique et directeur de la villa Médicis s'inspire des décors italiens pour concevoir ses œuvres. Il privilégie des couleurs vives et accorde à la lumière et à la théâtralité une grande importance. Il a également fait des peintures à Saint-Louis-en-L’île (Paris Centre), à la basilique Sainte-Clotilde (7e) et Saint-Ambroise (11e).
La restauration de ses peintures, qui a duré huit mois, s’est achevée en mai 2022.

Les portes du péristyle occidental se parent de rouge-brun

De mémoire de Parisien, personne ne se souvient avoir vu les portes du massif occidental de cette couleur… Mais il s'agit bien de la teinte originelle, comme une étude stratigraphique l'a démontré. À partir d'un petit échantillon tiré d'un détail de la frise, il a été possible de déterminer que ces immenses portes de 7 mètres de hauteur arboraient cette couleur rouge-brun. Les éléments dorés, en laiton, ont été brossés et nettoyés.

La chapelle des Âmes-du-Purgatoire révélée

Les Âmes-du-Purgatoire ont retrouvé leur splendeur en 2020. Une vaste restauration a été entreprise pour redonner à ces œuvres leur couleur d'origine. Auparavant, les peintures apparaissaient délavées sur la partie inférieure. Aujourd'hui, on peut de nouveau admirer tous les détails du peintre François-Joseph Heim (1787-1865).

La chapelle de la Vierge sous les échafaudages

Les échafaudages, on les voit sans les voir. Sans eux pourtant, le chantier n'existe pas. Ils représentent aussi un coût important lors des restaurations. Ici, il faut compter 400 000 € pour la location, ce qui inclut le montage et le démontage.
Dans le cas de la chapelle de la Vierge, l'échafaudage s'étend sur 11 étages pour atteindre le plafond de la coupole. Il a fallu le placer au plus près des éléments à restaurer, mais sans les abîmer.
Dans cette chapelle aussi, les décors sculptés ont été réalisés par les frères Slodtz. S'ils font penser au château de Versailles, ce n'est pas un hasard : ces artistes étaient aussi à l'œuvre pour les décors de fête à Versailles. À l'époque, une loterie avait été organisée pour financer la décoration de la chapelle.
Une épaisse couche de crasse recouvre aujourd'hui les angelots et autres sculptures à base de carton et de colle. Entre la poussière qui s'accumule et la fumée des bougies, c'est malheureusement inévitable.

Le plafond de la coupole abîmé par un incendie

En 1762, un incendie se déclare dans la chapelle. La coupole est très endommagée et les peintures réalisées par François Lemoyne (1688-1737) à partir de 1724 sont recouvertes par la suie et partiellement brûlées. Inspiré par l'Italie, il a utilisé la technique de la fresque pour cette coupole.
Pour ce faire, il a utilisé de l'enduit frais dans lequel il a gravé les motifs. Il les a ensuite mis en couleurs avec un liant à base de chaux, rendant l'œuvre inaltérable. Cette technique est difficile à réaliser à Paris à cause du taux d'humidité qui perturbe le temps de séchage.
Après l'incendie, on fait alors appel au peintre Antoine-François Callet (1741-1823) pour redécorer la coupole. Ce dernier va compléter les parties disparues et ajouter des personnages à la base de la coupole, dont le célèbre curé Languet de Gergy qui est à l’origine de la commande.
La chapelle de la Vierge est restaurée par la Ville de Paris, avec le soutien de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris, grâce à la générosité de Monsieur et Madame François Pinault, en mémoire de leur fille, Florence Rogers (1963- 2021).

La chapelle Saint-Joseph plus éclatante

La restauration de la chapelle Saint-Joseph s’achève. Après les restaurations du vitrail en 2019-2020, de la statue du XVIIIe siècle figurant Saint-Joseph et l’Enfant Jésus début 2022 grâce au mécénat de la Fondation Frédéric de Sainte-Opportune, c'est au tour des décors peints et du mobilier de faire l’objet des soins des conservateurs-restaurateurs. Ces derniers vont redonner éclat et lisibilité à un décor peint qui était encrassé et ponctuellement très altéré.
Sous une voûte ornée de caissons en trompe-l’œil, les peintures murales représentent Le Songe de Saint-Joseph d’un côté et La Mort de Saint-Joseph de l’autre. Le peintre Charles Landelle (1821-1908), qui sollicite l’architecte Victor Baltard (1805-1874) pour l’obtention de cette commande, achève ce grand décor, apogée de sa carrière, en 1875. Cet artiste, ancien élève de Paul Delaroche et d’Ary Scheffer, s’est également illustré dans les églises parisiennes à Saint-Roch (1er), Saint-Germain l’Auxerrois (1er) et Saint-Nicolas-des-Champs (3e).
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