Mon enfant et les écrans : les recommandations de Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l'Enfance

Rencontre

Mise à jour le 21/05/2025

Une femme avec une fille sur un canapé regardent un ordinateur
Dans le cadre de la semaine « Mon enfant et les écrans – Bien vivre le numérique en famille » organisée par la Ville du 13 au 22 mai 2025, Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’Enfance, partage ses recommandations aux parents et aux professionnels du secteur de l’enfance.

La Fondation accompagne les familles depuis plusieurs années. Comment le numérique est-il devenu un enjeu central dans cette mission ?

Il y a un peu plus de 10 ans, nous avons pressenti que le numérique pour les tout petits n’était pas beaucoup traité. Nous avons donc commencé à échanger avec des experts puis organisé des rendez-vous pour confronter les avis et se forger une position, validée scientifiquement.
Aujourd’hui, on constate qu’il y a dix écrans en moyenne par foyer et que les enfants de 2 ans sont déjà à une heure d’écran par jour ; on voit bien qu’il y a un véritable enjeu à traiter le sujet et à accompagner les parents, qui peuvent rapidement se sentir démunis face aux informations contradictoires véhiculées. La gestion du numérique est difficile pour les parents, à chaque étape de la vie de leur enfant, avec des spécificités liées à chaque âge. Une chose est claire : le numérique sera toujours un sujet.
La Fondation pour l’Enfance
Reconnue d’utilité publique depuis 45 ans, elle a pour mission principale de lutter contre les violences faites aux enfants, avec un travail sur plusieurs thématiques (notamment la parentalité, l’éducation sans violence et le numérique). Ses actions de prévention, de sensibilisation et de plaidoyer, à portée nationale, concernent les enfants de 0 à 18 ans, avec un prisme fort sur les 0-6 ans et un intérêt croissant pour les sujets liés au numérique.

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Dans votre nouvelle campagne « Enfance et Numérique », vous mettez en avant des temps à privilégier loin des écrans. Pourquoi ces temps-là sont-ils importants ?

Nous avons voulu mettre en place une campagne qui donne quelques repères aux parents. Nous nous sommes inspirés des « 4 Pas » de Sabine Duflo(1), avec des moments sanctuarisés : pas d’écran avant l’école car cela diminue sa capacité d’attention et c’est donc en défaveur des bons apprentissages. Pas d’écran avant le coucher car cela crée des difficultés au niveau du sommeil réparateur. Et pas d’écran pendant les repas pour deux raisons principales : c’est un moment d’attention partagé qui permet aux enfants et aux parents d’échanger, et cela peut provoquer des problèmes de poids voire d’obésité ; si l’enfant est happé par un écran, il ne regarde pas ce qu’il mange et il n’écoute pas sa satiété.
Ensuite, nous avons convenu qu’il ne doit pas y avoir d’écran sans accompagnement : le parent a un rôle à jouer, grâce au contrôle parental qui peut s’adapter à l’enfant au fil de son développement. Il y a donc des moments sur lesquels il ne faut pas transiger même si cela reste une affaire assez complexe dans la pratique.

Il faut sanctuariser des
moments (1) : pas d’écran avant l’école, pendant les repas ni avant le coucher.

Joëlle Sicamois
directrice de la Fondation pour l’Enfance
(1) Méthode des 4 pas, rédigée et proposée par Sabine Duflo, psychologue clinicienne et thérapeute familiale, spécialiste des écrans.

Existe-t-il des repères pour poser un cadre à la maison ?

Une chose que l’on dit souvent, c’est que peu importe les règles qui sont mises en place, il faut qu’elles soient discutées avec l’enfant, et respectées par les parents – par exemple, quand un parent dîne avec son enfant, il ne faut pas qu’il regarde son téléphone. Ces règles peuvent même être mises par écrit dans un moment sanctuarisé comme un conseil de famille au cours duquel, chaque semaine, chacun s’exprime et donne son avis, enfant comme parent.
De plus, il ne faut pas avoir peur de la frustration : c’est normal que l’enfant soit frustré quand on arrête l’écran, mais cela devient de plus en plus facile lorsque la règle est respectée – et cela vaut pour tous les sujets.
Enfin, il faut se faire confiance : vous savez quelles règles vous voulez mettre en place donc faites-vous confiance pour les mettre en place. Un échec, une circonstance qui fait que l’on n’a pas trop respecté une règle, ce n’est pas grave, ce qui compte c’est d’y revenir pour que l’enfant comprenne que la règle reste en place.

Qu’en est-il des professionnels du secteur ?

Tous les professionnels en lien avec les parents ont un rôle de détection précieux, un rôle de prescripteurs : ils voient régulièrement les enfants et peuvent donc détecter les difficultés. Mais c’est un sujet qui peut les mettre en difficulté, car ils rentrent alors dans l’intimité familiale. On doit donc les accompagner et leur donner des ressources communes, accessibles aux parents aussi. Il faut un peu de nuances, et de bon sens : l’interdiction semble être la solution la plus simple mais reste difficile à appliquer, et quand c’est trop difficile, on abdique – c’est ce qui se passe dans l’esprit humain quand on met des règles trop contraignantes.

Les professionnels ont un rôle
précieux de détection.

Joëlle Sicamois
directrice de la Fondation pour l’Enfance
Le baromètre de la Fondation, « Enfance et Numérique », réalisé en partenariat avec l’IFOP, propose un regard croisé entre parents et professionnels de l’enfance autour de leur perception du développement de l’enfant au contact du numérique. Cette année, des enseignants ont été interrogés pour comprendre la place qu’occupe le numérique à l’école. Cette étude est accessible sur le site de la Fondation pour l’Enfance.