Quand l’enfance de l’art célèbre Victor Baltard

Reportage

Mise à jour le 07/07/2025

Oeuvre en bouteille recyclées exposée à la bibliothèque Forney
Victor Baltard, l’architecte de la transparence et du mouvement, poète du fer et du verre, a soufflé son inspiration aux écoliers parisiens. Entre visible et invisible, leurs œuvres féériques ont fait escale à la bibliothèque Forney. Petit détour dans les Halles de l’imaginaire.
Le patrimoine parisien est bien vivant. En cette année Baltard, les élèves de quinze écoles parisiennes (18 classes du CP au CM2) ont rendu un hommage poétique à l’architecte des Halles en exposant leurs œuvres à la bibliothèque Forney (Paris Centre), nichée dans le superbe écrin de l’hôtel de Sens.
Fin juin, pendant une semaine, enfants, enseignants, parents et promeneurs curieux ont découvert une exposition haute en couleur, où se mêlaient spontanéité, poésie et mémoire. Une célébration de la créativité en partenariat avec les étudiants en arts graphiques de l’école Estienne. Sous le thème « Du visible à l’invisible et vice versa », gravures, animations, maquettes mobiles et installations ont jailli de leur imagination, inspirées par l’univers de fer et de verre du XIXe siècle.
À l’école de Bouvines (11e), Pascale Razavet, professeure de la Ville de Paris (PVP) en arts plastiques, a embarqué sa classe dans une exploration du Paris haussmannien. Après des cours consacrés à l’histoire de l’art et aux grands architectes du XIXe siècle, complétées par une balade urbaine sur les traces de Victor Baltard et de la démolition des Halles, les élèves ont créé leurs pavillons Baltard.

De l’opacité à la lumière

Sur calque et sur papier, ils ont joué sur les pleins et les vides, l’opacité et la transparence. Des personnages fictifs, « les Petits Lutins des Halles », viennent peupler leurs compositions : ces silhouettes surgissent derrière les structures des bâtiments de fer, apparaissent et disparaissent, dans un subtil effet de surprise. « Les enfants se sont amusés à faire surgir des présences discrètes dans les interstices de l’architecture », souligne Pascale Razavet.

Ils ont beaucoup aimé l’idée de faire vivre une architecture rêvée, presque magique

Arzu Huber
professeur de la ville de paris en arts plastiques
Les élèves de l’école de la Victoire (9e) ont quant à eux conçu un court-métrage en stop motion, Le Rêve de Victor Baltard, où des pavillons fantasmés, en fer et en verre, se transforment au fil d’événements merveilleux ou inquiétants, habités par des personnages fantastiques. « Ils ont beaucoup aimé l’idée de faire vivre une architecture rêvée, presque magique », complète Arzu Huber, PVP en arts plastiques.
À l’école Madame (6e), Amandine Schwoerer, PVP en arts plastiques, a travaillé avec sa classe sur la notion de façade. Ses élèves ont réalisé des architectures en silhouette noire, découpées sur papier calque, qui cachent ou révèlent une structure métallique inspirée de l’univers de Baltard. Ces « façades-rideaux » intègrent des éléments architecturaux typiques du XIXe siècle, dans un style éclectique.
« Chaque enfant a choisi comment organiser la révélation : l’ordre de lecture, les éléments visibles ou dissimulés. L’objectif était de jouer sur le visible et l’invisible, dans une œuvre manipulable pour faire apparaître puis disparaître les architectures », explique-t-elle. Des visites à la gare Saint-Lazare (8e), à l’église Saint-Augustin (8e) ou encore au Bon Marché (7e) ont nourri leur inspiration.

Parapluies et tétrapack

Dans le 19e arrondissement, les élèves de CM1-CM2 de l’école du Général-Brunet ont puisé leur inspiration dans la phrase de Napoléon III adressée à Haussmann au sujet du futur marché central de Paris : « Ce sont de vastes parapluies qu’il me faut, rien de plus. »
« Nous avons pris au mot l’injonction et fabriqué une œuvre à partir de parapluies transparents détournés et de plus de 500 bouteilles en plastique », raconte Baptiste Thévenon, PVP en arts plastiques. Résultat : une installation monumentale, légère, translucide et animée de petites silhouettes qui évoque l’architecture de verre des Halles. « C’est un clin d’œil théâtral à la mémoire des lieux, dans une démarche de sensibilisation au recyclage », précise-t-il.
De son côté, Sabine Salgues, PVP à l’école de la Villette (19e), a initié ses élèves à la gravure sur tétrapack. Ils ont créé des pavés ajourés, imprimés sur calque, pour reconstituer une maquette de halle. Une manière concrète d’explorer l’univers de Jules de Mérindol, élève de Baltard et concepteur de la Grande Halle de la Villette. Découpages, pliages, collages… l’atelier s’est mué en chantier d’architectes en herbe.
Lou Montfourny, PVP en arts plastiques, a pour sa part tissé des ponts entre littérature et architecture : « Nous avons travaillé à partir du roman Le Ventre de Paris, de Zola, en gravant des légumes comme ceux décrits dans les étals du marché. Avec les élèves de CP de l’école des Hospitalières Saint-Gervais (Paris Centre), nous avons exploré la mémoire superposée du quartier, comme sur un palimpseste. Cela nous a permis de réfléchir à la notion de disparition : que reste-t-il quand on détruit ? Qu’est-ce que l’on ne voit plus, mais qui continue pourtant à vivre en nous ? »

Un patrimoine en partage

Une maquette de halle Baltard exposée à la bibliothèque Forney
À travers leurs créations, les enfants sont devenus les ambassadeurs d’un patrimoine plus ou moins connu. Gabriel, élève de CM2 à l’école Madame, raconte : « C’était amusant de dessiner et de construire la façade dans le style de Baltard. On pouvait inventer ce que l’on voulait. Moi, j’ai dessiné un opéra qui s’insère sous la façade : les piliers sur les côtés ressemblent à des rideaux de scène, on ne voit pas tout de suite ce qu’il y a derrière. Je connaissais déjà un peu Baltard, mais j’ai appris des choses en faisant ce projet. Et cela m’a donné envie de continuer à travailler sur son œuvre ! »
« De la contemplation à l’expérimentation, ce projet autour du grand architecte aura permis à des centaines d’enfants de découvrir, d’explorer et de s’approprier le patrimoine de leur ville. Et d’affirmer leur propre regard, guidé par l’expertise des professeurs de la Ville de Paris en arts plastiques », souligne Anne-Lise Burgos, coordinatrice du projet à la direction des Affaires scolaires (DASCO) de la Ville de Paris.

C’est magnifique de voir ce que des enfants peuvent créer quand on leur en donne l’occasion

Virginie
maman d’un élève de CM2
Accompagnés par le conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Paris, les élèves ont également arpenté leur ville lors de promenades architecturales. De quoi aiguiser leur curiosité et leur sens de l’observation. Pour Virginie, maman de Gabriel, l’exposition a révélé « des œuvres très variées et sensibles, certaines pleines de légèreté, d’autres plus méditatives. C’est magnifique de voir ce que des enfants peuvent créer quand on leur en donne l’occasion ».
À Paris, les expositions des créations d’élèves autour du patrimoine s’inscrivent dans le cadre du Projet éducatif de territoire. Objectif : favoriser l’accès aux savoirs et à l’éducation artistique et culturelle des jeunes Parisiens.
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