Arnaud, chef de la cellule patrimoine, veille sur les cimetières parisiens

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Mise à jour le 11/09/2025

Arnaud Schoonheere, conservateur du patrimoine des cimetières de Paris, debout en chemise bleue.
Arnaud S. dirige depuis 2021 la cellule patrimoine du service des cimetières parisiens de la Ville de Paris. Un poste unique en France. Il documente, protège ou valorise les quelque 690 000 sépultures réparties dans les vingt cimetières de la Ville, véritables musées à ciel ouvert.
« Chaque cimetière est à la fois une réserve d'œuvres d'art exceptionnelle et un concentré de l'histoire de France », résume Arnaud S. Ce trentenaire, diplômé en Histoire de l'art, occupe le poste de conservateur de patrimoine des cimetières, un métier qui n'existe qu'à Paris - et à ne pas confondre avec celui de conservateur de cimetières. Arnaud, lui, c'est crayon, carnet et appareil photo à la main qu'il parcourt chaque jour les cimetières parisiens pour inventorier leurs trésors. Sa profession réacquiert d'excellentes connaissances sur l'histoire de la société et des grands conflits mais aussi sur l'évolution de la législation, sans oublier une pincée de pragmatisme face à la mort…
Tel un cabinet de curiosités, le bureau d'Arnaud, situé dans le cimetière du Père-Lachaise (20e), est décoré de plans anciens et d’aquarelles représentant d'anciens monuments funéraires. Autour de lui également, des dictionnaires, des monographies d'architectes, des livres sur les rites funéraires, des essais sur l'espace de la mort, constituent un riche fonds de documentation géré par son service, rattaché aux bibliothèques patrimoniales, et mis à disposition des chercheurs.

Conserver la mémoire collective d'un patrimoine funéraire unique

Arnaud a pour mission de gérer un inventaire exhaustif des œuvres funéraires, un travail lancé en 2007 face à une recrudescence de vols (notamment de métaux précieux) dans les vingt cimetières appartenant à la Ville, intramuros et extramuros. « Jusque là on avait quelques documentations et descriptions dans des guides, mais c'était centré sur les grandes personnalités enterrées, explique-t-il. Aujourd’hui, nous documentons tout, des statues aux plus modestes sépultures, pour assurer leur référencement. » Un travail titanesque quand on sait que la Ville compte près de 690 000 tombes !

La fonction première des cimetières, c'est d'inhumer les Parisiens. On ne peut donc pas mettre ces lieux sous cloche.

Arnaud S.
Conservateur du patrimoine des cimetières de paris
Mais le rôle d’Arnaud va bien au-delà de cet inventaire : les tombes abandonnées font l'objet d'une reprise administrative et deviennent propriété de la Ville. C'est son service - composé de quatre agents - qui planche sur des décisions importantes. Ces caveaux doivent-ils être conservés, restaurés ou réaffectés ? « La fonction première des cimetières, depuis plus de deux cents ans, c'est d'inhumer les Parisiens, précise l'expert. On ne peut donc pas mettre ces lieux sous cloche. Après expertise, une partie des terrains est donc remise en vente pour accueillir de nouveaux occupants. » Parmi les critères qu'il examine : l’état du monument, ses intérêts architectural, patrimonial et technique, l'importance de la personnalité inhumée… « Ce sont des critères fixés en lien avec le ministère de la Culture mais cela reste subjectif », pointe-t-il.

À chaque cimetière son identité et ses restaurations

Le conservateur se déplace constamment dans Paris et sa proche banlieue, toujours au vert, entre Montmartre, Montparnasse, La Villette ou Ivry. La diversité des cimetières parisiens reflète aussi celle des histoires qu’ils racontent : de l’art funéraire somptueux au Père-Lachaise - certains tombeaux sont signés par de grands artistes du XIXe siècle, comme David d’Angers, Charles Garnier ou Jean Boussard, l'architecte auquel Arnaud a consacré sa thèse - aux tombes des Morts de la Rue à Thiais en passant par celles des intellectuels de la rive gauche à Montparnasse. Il est du rôle d'Arnaud de conserver la « personnalité » de chaque lieu quand il décide, ou non, qu'une tombe va être restaurée.

Je refuse de faire entièrement restaurer une sculpture très abîmée (…) Je préfère maintenir les monuments dans leur état, avec leurs traces du temps

Arnaud S.
conservateur du patrimoine des cimetières de paris
Il suit avec passion les chantiers de restauration des œuvres - un travail mené par les restaurateurs de la Conservation des œuvres d'art religieuses et civiles de la Ville (COARC) -, comme celle de la tombe de Georges Bizet au Père-Lachaise. « Voir la splendeur d'un monument restituée est une vraie satisfaction », confie Arnaud. Mais le conservateur reste fidèle à une éthique personnelle : « À moins d'en avoir une trace documentée, je refuse de faire entièrement restaurer une sculpture très abîmée au risque de créer un “faux historique”. Je préfère maintenir les monuments dans leur état, avec leurs traces du temps ».
Il a aussi une appétence pour les petites restaurations de tombes d'inconnus, notamment dans le « secteur romantique » du Père-Lachaise. « Ce sont peut-être des détails qui ne sautent pas aux yeux, mais cela participe à entretenir le charme et l'atmosphère du cimetière, pour le plus grand plaisir des promeneurs ».

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