Dix ans après le 13 Novembre, les associations restent mobilisées

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Mise à jour le 03/11/2025

Une gerbe de fleurs déposée lors des commémorations des attentats du 13 novembre 2015
Depuis les attentats du 13 novembre 2015, les associations jouent un rôle clé dans le travail de mémoire, en accompagnant les victimes, en défendant leurs droits, mais aussi en veillant à la transmission. Témoignages de 4 membres de Life for Paris et 13onze15 : Fraternité et vérité.
Vendredi 13 novembre 2015, Paris et sa périphérie sont victimes de commandos terroristes. Des lieux emblématiques sont attaqués : le Stade de France (Saint-Denis), le Bataclan (11e), des cafés et des restaurants des 10e et 11e arrondissements. Ces attentats, les plus meurtriers jamais perpétrés en France, laissent derrière eux 132 morts et des centaines de blessés.
Au lendemain du drame, deux associations de victimes voient le jour, Life for Paris et 13onze15 : Fraternité et vérité. Dix ans après, elles continuent d’œuvrer au quotidien pour le devoir de mémoire.

Le rôle des associations a-t-il évolué depuis dix ans ?

Arthur Dénouveaux (Life for Paris) : Notre collectif s’est fixé dès le départ des objectifs précis : regrouper les victimes, améliorer la prise en charge par l’État, faciliter l’accès à l’accompagnement psychologique et perpétuer le devoir de mémoire. Aujourd’hui, nous pouvons dire que ces missions ont été accomplies. Nous allons d’ailleurs changer nos statuts cette année, car il y a désormais des besoins, différents, surtout après le procès (de septembre 2021 à juillet 2022). Nous avons contribué à faire évoluer la prise en charge des victimes, en participant, au côté de 13onze15 : Fraternité et vérité, à la réforme du Fonds de garantie des victimes et à la création du juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (JIVAT). Nous avons cherché à simplifier l’accès aux aides et à rendre les dispositifs plus clairs pour nos adhérents.
Fatime Boulouird (Life for Paris) : Au départ, j’ai rejoint l’association pour trouver du soutien, pour échanger avec d’autres victimes, car j’étais au Bataclan le soir des attentats. Au fil des années, la solidarité est restée très forte entre nous. On s’entraide, on s’écoute, on oriente les personnes en difficulté vers les bons professionnels. L’association compte aujourd’hui environ 450 membres. Dix ans après, beaucoup d’entre nous ressentent le besoin d’évoluer, de se tourner vers d’autres formes d’engagement, mais toujours dans un esprit de transmission.

Nous voulons continuer à réfléchir collectivement à ce que ces attentats disent de notre société.

Dominique Kielemoës
Membre de l’association 13onze15 : Fraternité et vérité
Philippe Duperron (13onze15 : Fraternité et vérité) : L’association a été créée en 2016, avec le concours de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (FENVAC). L’idée étant de défendre les intérêts des victimes et de partager un espace d’écoute et de vérité. En dix ans, nous avons traversé plusieurs phases : la présence auprès des victimes, la recherche de vérité avec la mission parlementaire, le suivi du procès, puis le processus d’indemnisation qui intègre désormais les aspects médicaux, physiques, psychologiques, mais aussi le retour à l’emploi ou les problèmes de logement. Certains volets sont aujourd’hui clos, mais d’autres restent ouverts : la mémoire, bien sûr, et la contribution à la prévention de la radicalisation.
Dominique Kielemoës (13onze15 : Fraternité et vérité) : Nous voulons continuer à réfléchir collectivement à ce que ces attentats disent de notre société. Notre mission reste vivante : le futur Musée-mémorial du terrorisme, notamment, devra jouer un rôle éducatif auprès des jeunes générations pour faire comprendre ce qu’est le terrorisme.

Dix ans après, comment faire vivre la mémoire des attentats ?

Arthur Dénouveaux : La mémoire est un pilier fondateur. Mais notre souhait, c’est qu’elle puisse vivre sans nous. Nous sommes heureux de témoigner dans les écoles, de donner des conférences, mais nous ne voulons pas être les seuls dépositaires de ce souvenir. Pour cela, il faut que cette mémoire s’inscrive dans des institutions pérennes – comme le jardin mémoriel de la place Saint-Gervais (Paris Centre) ou le futur Musée-mémorial du terrorisme (NDLR : il devrait ouvrir en 2030 dans l'ancienne caserne militaire Lourcine (13e)) – et qu’elle devienne un savoir partagé, intégré dans les manuels, dans les programmes scolaires.

La mémoire, c’est ce qui empêche que la barbarie recommence.

Fatime Boulouird
rescapée du bataclan et membre de l’association life for Paris
Fatime Boulouird : Il est primordial que la mémoire des victimes soit honorée dignement et que le traumatisme ne soit pas oublié. Pour moi, mémoire, soutien et transmission sont indissociables. La mémoire, c’est ce qui empêche que la barbarie recommence. Mais chacun la vit différemment : certains veulent tourner la page, d’autres pas. Personnellement, je ressens toujours la peur dans certains gestes du quotidien, mais je trouve beau que les gens continuent à vivre et à sortir. C’est la meilleure preuve que les terroristes n’ont pas gagné.
Philippe Duperron : La mémoire reste l’un des volets de notre action. Pour que l’on n’oublie jamais cette soirée du 13 Novembre, qui a fait 130 morts, sans compter les victimes indirectes, comme Guillaume Valette et Fred Dewilde, qui ont mis fin à leurs jours par la suite. Nous la faisons vivre à travers des cérémonies, mais aussi par la réflexion : le 4 novembre, nous organisons une journée de rencontres à la Maison de la chimie (7e), avec des tables rondes sur la mémoire, les causes et les effets du terrorisme et la création artistique. C’est une façon d’ancrer cette mémoire dans la société, de la rendre vivante et citoyenne. De toute façon, il est clair que ces attentats terroristes font désormais partie de l’histoire.

Quel est le rôle de Paris dans ce devoir de mémoire ?

Arthur Dénouveaux : La Ville a joué un rôle majeur. Le jardin mémoriel est un symbole fort : un lieu de vie, de pédagogie, de transmission. Il permet de parler des victimes, de rappeler ce qu’il s’est passé, sans tristesse excessive. Sa conception a été le fruit d’une coconstruction entre associations, victimes, architectes, élus. C’est la preuve que nous ne sommes plus des victimes passives, mais des acteurs.

Voir les jeunes Parisiens boire des verres en terrasse, c’est une forme de victoire.

Philippe Duperron
Président de l’association 13onze15 : Fraternité et vérité
Philippe Duperron : Ce jardin coche toutes les cases : il parle de mémoire, mais aussi d’espoir. Outre ce lieu, le travail de préservation des hommages aux victimes des Archives de Paris (19e), les expositions comme celle du musée Carnavalet (Paris Centre), les travaux de chercheurs, la participation à la Journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme (le 11 mars), les cérémonies et les commémorations des attentats du 13 novembre 2015, les événements programmés pour les dix ans… permettent à la capitale de faire vivre ce souvenir. Et au-delà de la mémoire, il y a la vie : voir les jeunes Parisiens boire des verres en terrasse – même si le mot « terrasse » reste chargé –, c’est une forme de victoire.
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