Élisabeth, tapissière-garnisseuse, redonne vie aux assises des mairies

Série

Mise à jour le 06/11/2025

La tapissière pose devant des tissus
À la force de ses mains et de sa patience, Élisabeth, tapissière-garnisseuse à la Ville de Paris, restaure les chaises les plus abîmées du patrimoine municipal.
Comme tous les tapissiers, Élisabeth a la bouche remplie de petits clous au moment où elle nous accueille dans son atelier de la rue du Pré (18e). « Quand on tient d’une main le marteau et que l’on tire de l’autre sur une sangle, on n’a plus de main libre pour tenir ces petites fixations (appelées semences). Alors, on en cale quelques-unes dans la joue, on les retourne avec la langue et on les attrape avec la partie aimantée de notre marteau. » Le tout est de ne pas oublier de les recracher…

Des fauteuils usés, salis, décousus

Dans l’atelier résonne le bruit de l’agrafeuse à air comprimé et des coups de marteau : Jean-Marc, Jennifer et Élisabeth, les trois tapissiers-garnisseurs de la Ville de Paris, sont affairés à la restauration de fauteuils. Cela fait un an déjà qu’Élisabeth est en poste, après de nombreuses années à exercer dans le privé, puis à son compte en région. Le boucan, elle ne l’entend plus, concentrée qu’elle est sur le fauteuil aux courbes anciennes qui trône devant elle. « Il vient de la mairie du 16e, explique-t-elle. Ici, on restaure les sièges, les bancs et les portes de l’Hôtel de Ville, des mairies d’arrondissement et des bibliothèques patrimoniales. Il s’agit d’un beau mobilier que l’on voit dans les salles de fêtes et de mariage et qui arrive très abîmé – usé, sali, décousu… – à l’atelier. »
Le métier de tapissier-garnisseur consiste à le remettre en état : redonner du confort, réparer, regarnir. « Notre travail commence par l’enlèvement de l’assise sur site. Plus tard, une fois dans l’atelier, on la “dégarnit” en enlevant les clous, les tissus, les ressorts. » Ensuite, chaque pièce est consolidée, parfois avec l’aide d’un menuisier ébéniste.

Un outillage particulier

Le travail d’Élisabeth est entièrement manuel. Faire renaître un fauteuil défraîchi nécessite un outillage particulier : tire-crin (outil qui sert à égaliser le rembourrage), carrelets (aiguilles courbes utilisées pour piquer la garniture), marteau de tapissier, pied-de-biche… « Première étape, le sanglage, qui va conditionner la qualité et la longévité du siège, puis le guindage, qui désigne la pose et la mise en tension des ressorts, sur lesquels on va disposer du crin végétal puis animal. La difficulté de cette étape tient dans la répartition homogène du crin, que l’on appelle “l’âme” du fauteuil, détaille la professionnelle. C’est très tactile : si on ne le sent pas dans les doigts, on ne peut pas bien le faire. »

C’est très tactile : si on ne le sent pas dans les doigts, on ne peut pas bien le faire.

Élisabeth
tapissière-garnisseuse à la ville de paris
Le geste se répète, précis, patient. « Chaque fauteuil a sa particularité. Sur un fauteuil crapaud aux formes arrondies, par exemple, on ne tend pas le tissu de la même façon que sur une chaise plus classique. » La tapissière aime avant tout le traditionnel, mais travaille aussi le contemporain : « Pour les bancs modernes, on utilise de la mousse, plus simple à travailler. Mais le crin, c’est ce que je préfère, cela reste incomparable pour le confort et la durée. » Ce travail d’artisan demande de nombreuses qualités : « Il faut des mains musclées, aimer fignoler, avoir de bonnes bases en histoire de l’art, s’y connaître en tissus… », liste Élisabeth.
Ce qu’elle préfère dans son métier : retrouver les fauteuils restaurés dans des salles prestigieuses, mais aussi agir à sa façon pour l’environnement : « On ne remplace pas un meuble, on le répare, c’est écologique ! » Et de conclure, en jetant un regard sur le fauteuil qu’elle termine : « Il était fatigué. Maintenant, il va repartir pour vingt ans. »
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