Petites et grandes histoires de l'art à l'Hôtel de Ville
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Mise à jour le 09/09/2022
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L'Hôtel de Ville n'est pas seulement un lieu de pouvoir et d'histoire, c'est aussi un édifice orné par de nombreuses œuvres. À travers les nombreux salons ou au détour d'un escalier, découvrez les artistes qui ont marqué l'histoire du bâtiment.
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Pierre Puvis de Chavannes : un peintre précurseur du symbolisme
Né en 1824 et mort en 1892, Pierre Puvis de Chavannes fut fortement marqué par les maîtres fresquistes de la Renaissance qu’il découvrit lors de plusieurs voyages en Italie. Ils déterminèrent son moyen d’expression privilégié tout au long de sa carrière, à savoir la peinture murale. Pierre Puvis de Chavannes est aujourd’hui considéré comme un précurseur du symbolisme et une figure majeure de la peinture française du XIXe siècle. Son art, d’une grande sobriété d’exécution, a influencé des peintres aussi divers qu’Odilon Redon, Paul Gauguin, Georges Seurat et Maurice Denis.
Sa peinture est caractérisée par des simplifications de formes, l’utilisation de couleurs douces en à-plats, la création d’une atmosphère énigmatique faisant la part belle à l’imagination et au rêve. Deux compositions monumentales se font face : L’été et L’Hiver réalisées entre 1889 et 1892. Le sens de la composition, une suite de bandes horizontales limitant l'effet de perspective, la valeur décorative des camaïeux, bleu-vert dans l'été, gris-brun dans l'hiver, unifient chaque paysage tout en les opposant.
Pierre Puvis de Chavannes a également décoré l’escalier conduisant au bureau de la maire de Paris. Les vertus de Paris sont représentées, constituant dans leur ensemble la figure morale de la cité : le Patriotisme, la Charité, l’Ardeur artistique, le Foyer intellectuel, l’Esprit, la Fantaisie, la Beauté, l’Intrépidité, le Culte du souvenir, l’Industrie, l’Urbanité, la Générosité et la Poésie. Au plafond, on y voit Victor Hugo offrant sa lyre à la Ville de Paris.
Au salon des Arcades, des peintures de paysages
La peinture de paysage a longtemps été considérée comme un art mineur. Mais à la fin du XIXe siècle, elle s’invite sur les murs des bâtiments officiels jusqu’alors dévolus à la peinture allégorique. En effet, au XIXe siècle, une classe de paysages est créée à l’École des Beaux-Arts. L’objectif : quitter l’univers clos de l’atelier afin de découvrir le réel à travers la nature. Paris et sa banlieue suscitent alors un nouveau regard des artistes, à l'image des douze tableaux à découvrir dans le salon des Sciences, le salon des Arts et le salon des Lettres.
Léon Bonnat : un représentant de l’art académique
Léon Bonnat fut le portraitiste de personnalités telles que Victor Hugo, Léon Gambetta, Jules Grévy, Louis Pasteur, Jules Ferry, etc. Grand collectionneur, il légua des dessins, sculptures au musée qui porte son nom à Bayonne. Après une formation auprès de maîtres espagnols, il intègre les Beaux-Arts de Paris en 1854.
Sa toile Résurrection de Lazare lui vaut le 2e Prix de Rome en 1857. Sa peinture est considérée comme l’avant-garde de la peinture française. Il devient membre de l’Académie en 1881, puis directeur de l’École des Beaux-Arts en 1905. Parmi ses élèves, on compte Raoul Dufy, Gustave Caillebotte, Henri de Toulouse-Lautrec, Georges Braque ou encore Alfred Roll. Au plafond du salon des Arts, vous pourrez admirer son tableau Le Triomphe de l’Art.
Les avancées technologiques à l’Hôtel de Ville
Dans le salon des Sciences, une peinture d’Ernest Duez, intitulée La Physique, montre une jeune femme tenant un récepteur de téléphone. En effet, le nouvel Hôtel de Ville fut le champ d’application de techniques innovantes : installation du téléphone, de l’ascenseur, du chauffage à vapeur, et même de l’électricité. La Fée Lumière fit son apparition dans les salons d’apparat, alors que le reste du bâtiment était éclairé au gaz.
Les médailles décernées à la Ville de Paris
Encastrée dans le mur, du salon Jean-Paul Laurens, vous pourrez admirer une petite vitrine dans laquelle figurent les armes de Paris, accompagnées des médailles remises à la Ville. Au centre se trouve la Légion d’Honneur attribuée à la Ville le 9 octobre 1900, en témoignage éclatant de la reconnaissance nationale à l’égard des Parisiens qui ont défendu avec dévouement les frontières et les libertés lors du siège de Paris par les Prussiens en 1870-1871.
À droite, on distingue la Croix de guerre décernée à la Ville de Paris par le président de la République, Raymond Poincaré le 19 octobre 1919. Voici la citation de Georges Clemenceau à l’ordre de l’armée : « La Ville de Paris ! Capitale magnifiquement digne de la France, animée d’une foi patriotique qui ne s’est jamais démentie, a supporté avec une vaillance aussi ferme que souriante de nombreux bombardements par avion et par pièce à longue portée. À, de 1914 à 1918, ajouté des titres impérissables à sa gloire séculaire. »
À gauche, on peut apercevoir la Croix de la Libération du 25 août 1944 remise à la Ville de Paris par le Général de Gaulle le 2 avril 1945. L’ordre de la Libération est un ordre français créé par le chef de la France Libre en 1940 et destiné « à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de la libération de la France et de son empire ». Paris fait partie des villes Compagnons de la Libération avec Nantes, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein.
Sur la Croix de la Libération, on retrouve les insignes du combat, le glaive, et de la France libre : la Croix de Lorraine. Les couleurs du ruban ont été choisies par le Général de Gaulle : le noir exprime le deuil de la France et le vert l’espérance de la victoire. On note, d’ailleurs, que le vert est prédominant. Au revers de l’écu, est inscrite en exergue la devise de l’Ordre : « Patriam servando - Victoriam tulit », ce qui signifie : « En servant la Patrie, il a remporté la Victoire ».
C’est dans ce salon que le Général de Gaulle fut filmé prononçant sa célèbre phrase : « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »
Les vitraux de l’Hôtel de Ville
On trouve, dans l’Hôtel de Ville de Paris, de nombreux vitraux. Les vitraux de la galerie des Commissions offrent un panorama assez rare du vitrail civil entre 1882 et 1938. En 1934, ces verrières font l’objet d’un concours ouvert aux ateliers parisiens, connus pour leur compétence et leur innovation esthétique et technique.
Fidèles au souhait de Théodore Ballu, architecte chargé de la reconstruction de l’Hôtel de Ville en 1872, d’une décoration à la gloire de Paris, les thèmes imposés sont le commerce, le métro, la santé publique, les sports, la pensée, les arts, l’alimentation, les mouvements de Paris, ainsi que les métiers qui sont en relation avec le travail des commissions elles-mêmes.
Les verrières sont installées en 1938. Auguste Labouret, né en 1871, est un maître verrier, retenu pour la réalisation de trois de ces projets. Il est nommé maître d’œuvre et garant de l’homogénéité de l’ensemble des vitraux de cette galerie. Il a réalisé des centaines d’œuvres d’art telles que des vitraux, mosaïques, dessins et peintures. Il est choisi pour effectuer la décoration de paquebots tel que le Normandie, de gares, de restaurants comme Prunier à Paris et d’hôtels de luxe, tel que le Plazza à Biarritz.
Le courant représenté par ces maîtres verriers, de style « Art déco » est fondé sur un dessin résolument moderne, épuré, géométrique et proche du langage publicitaire. La mise en plomb fait partie intégrante de l’esthétique de la verrière.
En 1883, le peintre verrier Eugène Oudinot met en place les vitraux énumérant les armoiries et les noms des Prévôts des Marchands, des Gouverneurs, des Lieutenants Généraux, des Préfets de la Seine, des Préfets de Paris et des Maires de Paris dans le couloir menant au bureau de la maire de Paris.
Plusieurs écus armoriés présentent des verres gravés ou des montagnes en chef-d’œuvre témoignant de l’habileté de leur auteur. Une montagne en chef-d’œuvre est une petite pièce de verre, souvent ronde, insérée dans une pièce plus grande montrant ainsi l’expertise et la maîtrise du maître verrier.
Eugène Oudinot compte parmi les artistes les plus réputés du XIXe siècle. Il contribue également à la restauration de vitraux anciens notamment à Notre-Dame de Paris et à la cathédrale de Chartres. Les vitraux recensant les corporations parisiennes, à l’entrée du salon des arcades, furent réalisés en 1935 par Gabriel Léglise, maître-verrier. Ils représentent les corporations parisiennes telles que les orfèvres, les éventaillistes, les bouquetières. Certaines d’entre elles sont peu connues de nos jours, par exemple les patenôtriers qui fabriquaient les chapelets.
Victor Hugo omniprésent à l'Hôtel de Ville
Le gouvernement de la IIIe République avait souhaité mettre à l’honneur Victor Hugo pour son engagement politique et intellectuel face à l’Empereur Napoléon III, qu’il appela « Napoléon le petit ». Son portrait se trouve dans le salon des arcades, appelé aussi salon des lettres parmi les grands hommes. Il figure aussi dans l’œuvre de Pierre Puvis de Chavannes (nommée Victor Hugo offrant sa lyre à la Ville de Paris (1892), au plafond de l’escalier qui mène au bureau de la Maire de Paris.
Parisien de cœur, il dénonce, dans son œuvre, la misère sociale. Fervent défenseur de la paix, de la liberté et de la justice, avant-gardiste en son temps, il prônait l’abolition de la peine de mort et l’idée d’une Europe unifiée. Il écrit : « Cette nation aura pour capitale Paris et ne s’appellera point la France ; elle s’appellera l’Europe. »
Après un exil de plus d’une quinzaine d’années, Victor Hugo est acclamé à la suite d’une allocution lors de son retour en France, le 5 septembre 1870, à la veille du siège de Paris :
« Les paroles me manquent pour dire à quel point m’émeut l’inexprimable accueil que me fait le généreux peuple de Paris. Citoyens, j’avais dit : Le jour où la république rentrera, je rentrerai. Me voici.
Deux grandes choses m’appellent. La première, la république. La seconde, le danger. Je viens ici faire mon devoir. Quel est mon devoir ? C’est le vôtre, c’est celui de tous. Défendre Paris, garder Paris. Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. Paris est le centre même de l’humanité. Paris est la ville sacrée. Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain. Paris est la capitale de la civilisation, qui n’est ni un royaume, ni un empire, et qui est le genre humain tout entier, tout entier dans son passé et dans son avenir. Et savez-vous pourquoi Paris est la ville de la civilisation ? C’est parce que Paris est la ville de la révolution.
Qu’une telle ville, qu’un tel chef-lieu, qu’un tel foyer de lumière, qu’un tel centre des esprits, des cœurs et des âmes, qu’un tel cerveau de la pensée universelle puisse être violé, brisé, pris d’assaut, par qui ? Par une invasion sauvage ? Cela ne se peut. Cela ne sera pas. Jamais, jamais, jamais !
Citoyens, Paris triomphera, parce qu’il représente l’idée humaine et parce qu’il représente l’instinct populaire. L’instinct du peuple est toujours d’accord avec l’idéal de la civilisation. Paris triomphera, mais à une condition : c’est que vous, moi, nous tous qui sommes ici, nous ne serons qu’une seule âme ; c’est que nous ne serons qu’un seul soldat et un seul citoyen, un seul citoyen pour aimer Paris, un seul soldat pour le défendre. À cette condition, d’une part la république une, d’autre part le peuple unanime, Paris triomphera.
Quant à moi, je vous remercie de vos acclamations, mais je les rapporte toutes à cette grande angoisse qui remue toutes les entrailles, la patrie en danger. Je ne vous demande qu’une chose, l’union ! Par l’union, vous vaincrez. Étouffez toutes les haines, éloignez tous les ressentiments, soyez unis, vous serez invincibles. Serrons-nous tous autour de la république, en face de la république, en face de l’invasion et soyez frères. Nous vaincrons. C’est par la fraternité qu’on sauve la liberté. »
En réponse aux acclamations de la foule, Victor Hugo ajouta : « Vous me payez en une heure, dix-neuf ans d’exil. » Les derniers « ils » concernaient les fresquistes de la Renaissance.
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